Là où la majorité de gauche veut "mieux protéger le droit à l'avortement" face à des sites internet qui "avancent masqués", la droite voit un texte qui "flirte dangereusement avec la création d'un délit d'opinion".
Dans un contexte de pré-campagne électorale pour 2017 et sur un sujet où Alain Juppé a attaqué François Fillon durant la primaire de la droite, le texte fait l'objet de 76 amendements, essentiellement de LR, au nom de la "liberté d'expression", et d'extrême droite. Ils devaient être discutés dans l'après-midi.
L'ensemble de la gauche ainsi qu'une majorité des centristes approuvent la proposition de loi.
Le débat se fait aussi sur la toile, avec des rafales de tweets des opposants (Alliance Vita, Fondation Lejeune...) et une pétition soutenant le texte lancée par le collectif Osez le féminisme, totalisant plus de 20.000 signatures.
Devant quelques dizaines de députés et dans une atmosphère parfois houleuse, la ministre aux Droits des femmes Laurence Rossignol a soutenu le projet de "consolider le droit fondamental des femmes à disposer de leur corps", en martelant que "la liberté d'opinion n'est pas le droit au mensonge".
Le texte du groupe socialiste prévoit d'étendre au numérique le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, créé en 1993 et sanctionné par une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.
'Marqueur idéologique'
Conçu initialement pour les "commandos" qui venaient perturber les établissements pratiquant l'avortement ou menacer les personnels, ce délit a déjà été étendu en 2014 au fait de perturber l'accès des femmes à l'information sur l'IVG.
"Aujourd'hui, c'est sur la toile que leurs héritiers continuent de mener cette bataille", a ajouté la ministre, dénonçant des "groupuscules dissimulés derrière des plateformes d'apparence neutre et objective".
Certains sites "promettent des rendez-vous qui n'arrivent jamais" et indiquent "des centres d'IVG qui n'existent pas", avait pointé du doigt, en commission, la rapporteure Catherine Coutelle (PS), présidente de la délégation aux droits des femmes à l'Assemblée.
Internet est souvent la première source d'information en matière de santé, particulièrement pour les plus jeunes, avait-elle aussi relevé. Plus de 220.000 avortements sont pratiqués chaque année en France.
Dans l'hémicycle, la droite, représentée notamment par plusieurs membres de l'Entente parlementaire pour la famille, qui avait été en pointe contre le mariage homosexuel, a placé le débat sur le terrain de la "liberté d'expression".
L'initiative des socialistes "s'avère liberticide et contraire à la France des Lumières", a fustigé Christian Kert (LR), dont la motion de rejet préalable a été repoussée. Son groupe prévoit déjà de saisir le Conseil constitutionnel.
La gauche se sert "de ce sujet pourtant tellement intime, porteur souvent de grandes souffrances pour beaucoup de femmes, comme d'un marqueur idéologique", a-t-il aussi estimé.
Son collègue Dominique Tian a jugé que "l'appel des évêques de France ne doit pas être ignoré". Leur président Mgr Georges Pontier, a écrit à François Hollande pour qu'il fasse échec au texte. La présidente de la commission des Affaires sociales Catherine Lemorton (PS) a, elle, objecté le principe de laïcité.
Près de 42 ans après la loi Veil qui a dépénalisé l'avortement, plusieurs élus de gauche ont accusé en creux la droite de vouloir remettre en cause ce droit, sur fond de tentatives similaires en Espagne ou en Pologne.
Ainsi selon Mme Lemorton, "l'acquis est illusoire". D'autres ont cité Simone de Beauvoir: "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question".
"Contrairement aux allégations, nul ici ne remet en cause" le droit à l'avortement, a répondu Isabelle Le Callennec, vice-présidente du parti LR et proche de François Fillon. "Plutôt que d'entretenir une polémique stérile (...) ne devriez-vous pas vous pencher davantage sur la promotion de la contraception", a-t-elle invité le gouvernement.
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