Validée en 2008 quand M. Fillon était Premier ministre, la règle prévoit actuellement qu'au premier tour des élections des délégués du personnel, chaque syndicat représentatif donne sa liste de candidats. Cette prérogative est appelée le "monopole syndical".
Si le quorum n'est pas atteint (50% des électeurs inscrits), un second tour est organisé et dans ce cas, tout salarié peut présenter sa candidature -individuellement ou à plusieurs- à ces élections qui ont lieu tous les quatre ans dans les entreprises de plus de 11 salariés.
Le délégué du personnel, censé représenter les salariés et leur réclamation auprès de l'employeur, peut aussi négocier des accords dans les entreprises, sous certaines conditions.
François Fillon propose que ces candidatures "libres" soient possibles dès le premier tour, une réforme à laquelle poussait également Nicolas Sarkozy.
"Ce qu'on poursuit, c'est un dialogue social le plus efficace possible", explique François Bouvard, coordinateur du programme de M. Fillon.
"L'Etat du pays impose d'agir vite et fort. On veut que ça se passe dans la concertation, mais on ne veut pas non plus que la concertation soit un frein aux réformes", ajoute-t-il.
Déborah David, avocate chez Jeantet (côté entreprise), voit d'un bon oeil cette réforme, applaudie par le Medef.
"Bien souvent, les délégués sont beaucoup plus à l'écoute de ce que va dire leur centrale" que de l'avis des salariés, dit-elle. Et d'expliquer que certains accords ne sont pas signés par les délégués alors que les salariés y sont favorables.
C'est dans cette optique que François Fillon propose également de donner "le dernier mot aux salariés" avec le référendum en entreprise ou de limiter à 50% du temps de travail le temps consacré à l'exercice du mandat de chaque représentant.
- 'Mouvement anti-syndical' -
Ces propositions s'inscrivent dans une autre logique que celle des réformes réalisées par François Fillon au moment où il était au pouvoir, analyse Franck Héas, professeur spécialiste du droit du travail à l'université de Nantes. Il évoque celle de 2004 instaurant le principe majoritaire pour les accords ou celle de 2008 sur la représentativité des syndicats.
"On avait là un ensemble de textes qui visaient à solidifier la légitimité des syndicats. Aujourd'hui, il y a une volonté de mise à l'écart, de contournement des syndicats", s'étonne-t-il.
Conséquence: les salariés pourraient être représentés par des personnes moins bien formées, avance le professeur de droit. Un syndicat, c'est "une expertise, un accompagnement, une formation. Il a aussi une approche globale du dialogue social et de l'organisation syndicale. Le salarié n'aura pas le recul nécessaire".
Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT, s'attend également à un émiettement du paysage syndical et s'interroge sur l'avenir du dialogue de branche: "Il y aura autant de syndicats que d'entreprises. Chacun défendra son pré carré, au périmètre de son entreprise, sans s'inscrire dans une filière professionnelle ou un secteur d'activité."
Et à l'argument selon lequel cette mesure répondrait au faible taux de syndicalisation (11,2% des salariés adhèrent à une organisation syndicale), elle s'insurge: "Dans ce cas, je demande aux Républicains combien ils ont d'adhérents? Un peu plus 200.000, c'est quatre fois moins qu'à la CFDT!".
Le risque de voir se présenter des candidats soutenus par la direction est aussi agité.
Cette mesure, "même si elle apparaît de peu d'importance, s'inscrit dans un mouvement anti-syndical", juge Emmanuel Dockès, professeur de droit.
Et il pointe du doigt une contradiction: "D'un côté, on dit qu'il faut des organisations syndicales suffisamment puissantes pour faire de la négociation collective, de l'autre on veut supprimer leur capacité de protestation."
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