Le ruisseau coule en contrebas du petit herbage. Il y a une fontaine, elle était déjà là quand ils se réfugièrent tout à côté. Une quarantaine d'habitants du coin, des familles regroupées dans une tranchée aménagée à même la terre pour échapper aux bombes.
La tranchée de l'Enfer
La bataille fit rage entre le 7 et le 18 juin 1944. Dans les champs tout autour, il n'est pas rare de retrouver encore aujourd'hui, plus de soixante-dix ans après, des éclats d'obus, la terre en est gorgée.
Une stèle en bordure de chemin a été posée: elle rend hommage aux 23 civils qui périrent à cet endroit, dont cinq membres d'une même famille, celle de François Basley, journaliste normand, aujourd'hui rédacteur en chef du journal de Gien, un hebdomadaire du Loiret. Tous ont été tués dans la tranchée de la rue de l'Enfer, la tristement nommée, lors des bombardements de Tilly le 18 juin, tous sauf un: Henri, le père de François. Il s'était caché près de Bayeux pour échapper au STO. C'est en lisant un article du journal La Manche Libre consacrée au cimetière militaire de Secqueville-en-Bessin, que François a retrouvé la trace de la cache dont bénéficia son père aujourd'hui disparu: il avait été alors recueilli dans une ferme des environs, chez les Lerenard, c'est ce qui lui a sauvé la vie quand ses parents Fernand et Aimée, son jeune frère Louis, et les autres membres de sa famille, dont les tantes Marthe et Georgina, périrent sous les bombes.
Le journal d'une vie
François, depuis des années, mène l'enquête. "C'est une façon de reconstruire une famille qui n'est plus". À Tilly-sur-Seulles, il a racheté la maison familiale. Elle date de 1847, ses grands-parents et arrière-grands-parents y vécurent heureux. Il a retrouvé des vieilles photos d'époque, d'avant la guerre. Sur l'une d'elles, on voit son père, il a 11 ans. Quand récemment, grâce au journal La Manche Libre, il a retrouvé le couple de Secqueville qui avait caché son père, il a pu en savoir plus sur ce que fut sa vie. "En apprenant la mort de tous les siens, il a dit à la famille qui le cachait qu'il aurait préféré mourir". C'était un bel homme, une carrure de jeune premier, toujours la cigarette ou la pipe aux lèvres, il avait 20 ans quand la Normandie fut libérée. "Cette histoire l'a poursuivi jusqu'à sa mort. Il y a eu un avant et un après. Jamais il ne nous en parlait. Ma mère elle-même nous disait qu'il ne fallait pas remuer le passé, que tout cela était bien trop douloureux".
Un jour, François a reçu un colis expédié d'Angleterre. C'était le journal intime qu'avait écrit son père pendant la guerre. Il avait été récupéré dans les ruines encore fumantes de Tilly par un soldat anglais. Sa famille, après sa mort, lui renvoyait. François le conserve précieusement: c'est un bout de l'histoire d'un homme qu'il a si peu connu. Il avait 9 ans quand son père, victime d'un cancer, s'en est allé. Depuis, il ne cesse de reconstituer ce que fut son parcours et l'histoire de sa famille anéantie. "Pour combler un manque sûrement. C'est peut-être pour cela que je suis devenu journaliste". En… quête d'une famille disparue, l'enquête de sa vie.
Pratique. Pour contacter Francois Basley au sujet de sa famille : tél. 06 73 63 77 89 / 06 84 60 09 87.
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