"Toutes les personnes qui doivent être protégées, qui ont des revenus modestes ou moyens, ne seront pas moins bien remboursées" pour leurs frais de santé, a promis le candidat à la présidentielle lundi soir sur France 2.
Son objectif, "sauver la Sécurité sociale", assure-t-il, voulant "arrêter cette polémique" sur de moindres remboursements qui, longtemps absente du débat, s'est invitée dans l'entre-deux tours de la primaire.
Fort d'un projet de rupture qui lui a permis de marquer son ancrage à droite, François Fillon prend soin désormais d'atténuer ses positions.
Dès vendredi, sa porte-parole santé, la généticienne Dominique Stoppa-Lyonnet, expliquait aux Echos que "tous les éléments de son programme dont la santé" seraient remis "sur le métier".
Soucieux de ramener les comptes à l'équilibre, M. Fillon promet un plan de 20 milliards d'euros d'économies sur cinq ans, soit le double du plan triennal (2015-2017) instauré par le gouvernement Valls, déjà très critiqué.
L'objectif est largement partagé. Mais deux mesures envisagées cristallisent les inquiétudes.
La première consiste en un transfert des remboursements pour les soins légers, "de confort ou la bobologie" vers les complémentaires santé (mutuelles, institutions de prévoyance, assurance privée), l'assurance maladie se concentrant sur les affections graves ou de longue durée (ALD), et plus généralement sur "un panier de soins solidaire" qui reste à déterminer.
Dans les faits, les maladies graves et chroniques sont déjà mieux remboursées par la Sécu que les soins courants. Mais la "distinction petit risque/gros risque", qui revient régulièrement dans le débat, est "inepte", assure Frédéric Pierru, chercheur en sciences sociales et politiques au CNRS.
Comment décréter, par exemple, qu'une grippe est un petit risque alors qu'elle peut conduire à l'hôpital, se demande le chercheur. "Ce n'est pas sur un rhume ou une tendinite qu'on fera des économies substantielles", ajoute-t-il.
L'économiste Claude Le Pen émet également des "doutes" sur les "solutions techniques" proposées par M. Fillon qui a néanmoins, selon lui, "le mérite de poser un problème qui existe" face à la dégradation du système de santé. Mais "faudra-t-il réserver l'assurance maladie aux ALD, soit 10 millions de personnes, et en exclure les 50 millions d'autres, pas question".
'Enjeu de l'élection' ?
Autre mesure radicale, l'instauration d'une franchise médicale universelle en fonction des revenus, dans les limites d'un seuil et d'un plafond, qui remplacera le ticket modérateur (la part des soins non remboursés par la Sécu) et les franchises actuelles, de 1 euro par consultation et de 0,50 centime par boîte de médicament.
Concrètement, avec une franchise à 200 euros, par exemple, le patient devra d'abord dépenser 200 euros de soins pour enclencher les remboursements. Un moyen de "responsabiliser" les assurés, pour M.Fillon.
La mesure, "dans les tuyaux" depuis dix ans, selon le Dr Christian Lehmann, qui avait ardemment combattu la création des premières franchises, va "casser l'idée même de solidarité et l'acceptabilité de la Sécurité sociale", une grande partie de la population risquant de cotiser sans jamais bénéficier de remboursements.
Faire reposer les soins courants sur les complémentaires entraînera en outre des inégalités, les coûts des contrats augmentant non pas avec les revenus mais avec l'âge, souligne M. Pierru. "C'est à la fois non pertinent et infaisable politiquement", notamment parce qu'il ne devrait pas récolter les faveurs des retraités, estime-t-il.
"Il faudra améliorer toutes ces mesures et voir comment elles s'articulent entre elles", tempère de son côté Claude Le Pen.
Droite et gauche s'écharpent déjà sur le sujet, la ministre de la Santé Marisol Touraine accusant notamment M. Fillon de vouloir "ni plus ni moins" privatiser la santé. Une accusation "malvenue" de sa part, selon le professeur Philippe Juvin, porte-parole des Républicains.
Preuve que "pour une fois la santé va peut-être être un enjeu de l'élection présidentielle", se réjouit M. Pierru.
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