Après deux jours sous le choc, les Cubains vont pouvoir libérer leur émotion à La Havane pour ce premier temps fort d'une semaine d'hommages au père de la Révolution cubaine, qui culminera avec ses funérailles dimanche à Santiago de Cuba (est).
"Tu vas voir comment est le peuple de Cuba (...) Tu vas voir comment le Cubain souffre, ce qu'il ressent pour un être qu'il aime", prévient Jorge Guilarte, chauffeur de vélo-taxi et grand admirateur de Fidel, figure tutélaire dont les coups d'éclat ont marqué la Guerre froide et forgé le destin de son pays.
Des centaines de milliers de personnes, voire des millions, pourraient se presser sur la vaste esplanade de 72.000 m2 où a souvent résonné la voix de Fidel Castro lors de ses tonitruants et interminables discours, immanquablement dirigés contre l'ennemi "impérialiste" américain.
En mars dernier, Barack Obama fut le premier président américain à poser le pied sur cette place emblématique depuis 1928, dans le cadre d'un dégel amorcé fin 2014 avec son homologue Raul Castro, que Fidel n'a jamais critiqué ni encouragé ouvertement.
La foule suivra un long parcours débouchant devant une estrade. On ignore encore si celle-ci exposera la boîte contenant les cendres du "Comandante" ou plus simplement un portrait.
Pour beaucoup de Cubains, dont une bonne partie n'a connu que les Castro comme dirigeants, la sobre mise en scène n'empêchera pas les larmes de couler, tant Fidel a personnifié la grande île caribéenne avant de passer la main à son frère Raul pour raisons de santé en 2006.
'Fidel est le peuple'
Ernestina Suarez, 67 ans, ne manquerait cet hommage pour rien au monde. "Fidel est le peuple, ici tout le monde l'aime, je m'attends à ce que la place déborde, comme lorsqu'il allait à la rencontre du peuple. Ce sera beau de dire adieu à Fidel" là-bas, confie cette femme au foyer.
Dimanche soir, le comité d'organisation a placardé une photo géante du célèbre "barbudo", qui couvre quasi complètement la façade du bâtiment très stalinien de la Bibliothèque nationale, côté nord de la place.
Luis Modesto Garcia, 77 ans, fait partie des derniers survivants de la guérilla qui porta les castristes au pouvoir en 1959. Il avait rejoint les "barbudos" de Fidel dans les montagnes de la Sierra Maestra (sud) à 19 ans.
"Fidel fut un père pour tous les combattants, et nous l'avons toujours considéré ainsi. Ce que j'ai appris, je le lui dois", dit-il, qualifiant de "devoir" sa présence à l'hommage.
Abasourdis par son décès et les restrictions du deuil national, les Cubains sont majoritairement restés chez eux samedi et dimanche, se projetant peu à peu dans le Cuba sans Fidel.
'On va marquer l'histoire'
Depuis vendredi et jusqu'au 4 décembre, les rassemblements et spectacles ont été annulés. Les incontournables matches de baseball ont été suspendus, les discothèques fermées, la vente d'alcool interdite et la plupart des restaurants ont réduit leurs heures d'ouverture. Une discrète présence policière était visible à La Havane.
Après deux jours d'hommages dans la capitale, les cendres de Fidel Castro seront transférées de La Havane à Santiago, lors d'une procession qui parcourra sur un millier de kilomètres 13 des 15 provinces cubaines de mercredi à samedi, avec la probable mobilisation de millions de personnes.
Point culminant des célébrations, les funérailles du "Comandante" se dérouleront dimanche à Santiago de Cuba, dans l'Est, berceau de la Révolution.
Ces festivités laisseront froid la plupart des dissidents, à qui Fidel a mené la vie dure, mais ceux-ci ont décidé de rester discrets pendant ces neufs jours de deuil, en marque de respect mais aussi par crainte de cinglantes représailles.
"On va rester tranquille, même si (Fidel) est le principal responsable de la misère et de l'absence de droits politiques à Cuba", explique Jose Daniel Ferrer, dissident "historique" et ex-prisonnier politique.
Passé le deuil, Fidel Castro ou pas, la plupart d'entre eux assurent qu'ils reprendront leur lutte contre le régime de Raul Castro. "Nous allons continuer à combattre le système que (Fidel) a créé. C'est cela, notre véritable ennemi", assure M. Ferrer.
Daniel Martinez, cuisinier de 33 ans, ne porte pas non plus Fidel dans son coeur, mais ne cautionne pas pour autant les manifestations de joie d'une partie de la communauté cubaine de Floride (sud-est des Etats-Unis). "Je n'ai rien de personnel contre Fidel, mais je ne suis pas castriste. Sans me considérer comme opposant, je n'aime tout simplement pas ce système, ni avec Fidel, ni avec Raul. Parce que rien ne change ici, rien ne bouge".
Pour Yamilka Landrian, vendeuse d'artisanat de 33 ans, lundi sera un grand jour. "Sur la place, on va marquer l'Histoire", lance-t-elle.
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