Le 3 décembre, il dirigera ses camarades sur la grande scène du Français dans une pièce oubliée de Marivaux, "Le Petit-Maître corrigé". Depuis la rentrée, il incarne dans la même Salle Richelieu le délicat Günther, fils du SA Konstantin von Essenbeck dans "Les Damnés" d'après Visconti.
Et les soirs où il ne bascule pas dans la barbarie nazie, Clément Hervieu-Léger frôle la folie dans "Les Cahiers de Nijinski" (Théâtre National de Chaillot jusqu'au 24 novembre), un projet qui "lui trottait dans la tête" depuis longtemps.
"J'ai commencé par la danse quand j'étais enfant, et dans mon petit Panthéon il y avait Noureev, Barychnikov, Nijinski, Patrick Dupond ... " raconte-t-il.
Il est alors le seul garçon de son cours de danse classique avec Karl Paquette, devenu étoile de l'Opéra de Paris. S'il ne suit pas son ami à l'école de danse, c'est parce qu'il est "terrifié" à l'idée d'être pensionnaire à Nanterre, où l'école des petits rats vient de s'installer.
"J'étais très heureux dans ma famille, avec des parents qui m'emmenaient au théâtre, au ballet et un père qui avait été pensionnaire et qui ne m'a pas du tout poussé à l'époque", convient-il.
"J'ai arrêté la danse à l'adolescence, mais Nijinski est resté dans un coin de ma tête", dit-il. De ses années de ballet, il a gardé la grâce fragile du danseur, qui fait de lui l'interprète idéal de ces "Cahiers" rageurs écrits par Nijinski à la veille de son internement pour trente ans. Dans un sobre décor tout blanc, il incarne à merveille la solitude du prodige de la danse au seuil de la folie.
"Il y a quelque chose de très similaire dans les parcours de Camille Claudel et de Nijinski: cette fulgurance des grands génies dont la carrière va être bien plus courte que le temps de silence", dit-il.
De la Normandie à la pampa
Clément Hervieu-Léger n'a "aucun regret" d'avoir "choisi (son) enfance, et aussi le théâtre". Entré à 25 ans à la Comédie-Française par la petite porte comme artiste auxiliaire, il en devient pensionnaire en 2005.
"J'ai grandi dans la troupe du Français", dit-il. Tout en gardant un pied dehors: "j'ai eu cette chance de grandir aussi aux côtés de Patrice Chéreau ce qui a été essentiel pour moi", rappelle-t-il. Avec Chéreau, il travaille sur deux opéras, "Cosi fan tutte" (2005) et "Tristan et Isolde" (2007).
Trois ans plus tard, il fonde avec Daniel San Pedro la Compagnie des Petits Champs dans le village normand de 700 habitants où il a ses racines familiales. "Les gens me disaient souvent +le théâtre c'est pas pour nous+ et ça me rendait très triste", dit-il.
La compagnie se produit dans des théâtres mais aussi dans des granges et des fermes. "Là, j'ai l'impression de faire mon métier, de même qu'à la Comédie-Française j'ai l'impression de mener une vraie mission de service public".
Si la famille de sa mère lui a apporté le théâtre, avec une grand-mère professeur de Lettres et une mère étudiante à l'école du TNP en même temps qu'à Sciences-Po, du coté du père, c'est "une famille de laboureurs". Et d'éleveurs de chevaux, sa deuxième passion avec le théâtre.
Clément Hervieu-Léger raconte dans une pièce qu'il a écrite, "Un voyage en Uruguay", la saga de ce grand-père qui vend trois taureaux et deux vaches à un éleveur uruguayen et charge un jeune cousin de convoyer le tout dans la pampa. La pièce a été jouée plus de 100 fois et va voyager en février en Uruguay.
"Si je n'avais pas fait du théâtre, peut-être que j'aurais pu faire ma vie autour des chevaux", dit-il en souriant.
A LIRE AUSSI.
Une comédie musicale fait swinguer le Brexit
Benin City: l'art du bronze de mère en fille
Le marathon de New York, une course qui vaut de l'or
Disparition de Fiona: sa mère et son beau-père devant les assises
Médecins du Monde : en Seine-Maritime, "le département ne remplit pas sa mission"
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.