Un an après le fracas des armes et des bombes, un silence quasi religieux s'est emparé un court instant des lieux où une dizaine de jihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont tué 130 personnes et en ont blessé 400 autres.
Devant le stade de France, près de Paris, les bars et les restaurants endeuillés de la capitale ou la salle de concert du Bataclan, les visages sont fermés, des gouttes ruissellent sur certaines joues, mélange de pleurs et de pluie. Certains s'étreignent pour se réconforter.
"Revoir les blessés, parfois en béquilles, en fauteuil roulant, ça m'a retourné", confie Thierry, un rescapé du Bataclan. "Mon nom aurait pu être sur cette plaque", soupire-t-il, montrant les lettres gravées à la mémoire des "90 vies fauchées en ces lieux".
Un an après le carnage, et au lendemain de la réouverture de la salle, le quadragénaire salue un hommage "sobre, digne et émouvant", au cours duquel les responsables politiques se sont gardés de prendre la parole pour ne pas être accusés de récupération. Lui espère désormais pouvoir "passer à autre chose".
Blessé dans le bar le Carillon où un des ses amis a perdu la vie, Olivier, un consultant de 28 ans, apprécie aussi la retenue dans les hommages rendus, mais souhaite que la France aille plus loin. "Il est important de comprendre comment on en est arrivé là, pourquoi il y a une cassure entre deux jeunesses", dit-il à l'AFP.
Plusieurs des auteurs des attentats étaient de jeunes Français radicalisés. Or, ils ont visé d'autres jeunes, réunis pour boire un verre, dîner ou écouter de la musique dans le nord-est branché et cosmopolite de Paris.
Dimanche, les habitants du quartier ont affiché leur volonté de ne pas céder à la peur et à l'intolérance croissante dans la société française.
"Quelle que soit la couleur de peau ou la religion, tout le monde se retrouve dans la peine", estime ainsi Brigitte, 69 ans, présente pour se recueillir dans le bar la Belle Equipe où est morte une personne qu'elle connaissait.
Pas d'"amalgames idiots"
Certains déposent des roses, des bougies ou de petits messages poétiques : "ils ont essayé de nous enterrer, ils ne savaient pas que nous étions des graines."
Les attentats ont "marqué la vie du quartier", relève Bruno, 36 ans, tout de même "rassuré" de ne jamais avoir "entendu d'amalgames idiots sur les musulmans et les terroristes dans les bars" qu'il fréquente.
Les attentats ont pourtant suscité une crispation envers la communauté musulmane en France, illustrées l'été dernier par l'interdiction du "burkini" (contraction de burqa et bikini) sur certaines plages, finalement invalidée par la justice.
"Comment continuer à vivre après avoir été frappé par le terrorisme, comment ne pas se nourrir de ressentiments, ni de haine ?", s'est interrogé le seul orateur de la journée, Michael Dias, dont le père Manuel fut le premier à périr au moment de l'explosion de la ceinture d'explosifs d'un kamikaze aux abords du Stade de France.
Lui assure avoir trouvé les réponses dans "l'histoire" de son père, arrivé du Portugal à 18 ans pour fuir la dictature. "Je n'ai cessé d'entendre mon père nous dire qu'il était impossible de vivre avec la peur au ventre".
Quant au terrorisme, "ce n'est que par l'instruction, la culture et la connaissance que l'on pourra éviter que les enfants de demain n'acceptent de s'humilier en tant que chair à canon", a lancé cet homme, 31 ans, appelant à "combattre la stigmatisation et la division".
Et de conclure, devant un président François Hollande volontairement discret : "Vive la tolérance, vive l'intelligence et vive la France !".
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