Samedi, un voisin a ouvert les portes de leur école pour la première fois depuis le départ des jihadistes, chassés par les forces irakiennes il y a une dizaine de jours.
Ravis, les enfants ont repris le contrôle de leur école pour jouer au football avec des soldats et déchirer les manuels de l'EI.
"Ils avaient apporté de nouveaux livres... tous islamiques", raconte Sanaa Ahmed, en se rappelant ces jours de 2014 ayant suivi l'entrée des jihadistes dans son village situé à une quarantaine de kilomètres au sud de Mossoul.
"Avant, il y avait des images dans nos livres. Ils ont changé ça, ils disaient que c'était interdit", ajoute cette fillette de 10 ans aux yeux vifs, portant une robe rose et des bracelets à chaque poignet.
Sanaa se rappelle aussi que les jihadistes leur avaient présenté des "photos de petites filles totalement couvertes, avec le niqab et même des chaussettes et des gants". "Je ne sais pas comment on peut respirer avec tout ça!", s'exclame-t-elle.
Selon l'ONU, 4,7 millions d'enfants ont été directement affectés par le conflit et 3,5 millions ne sont plus scolarisés.
Avant l'offensive des forces irakiennes, Jaraf et la centaine de petits villages disséminés le long de la vallée du Tigre étaient au coeur du "califat" proclamé par l'EI en juin 2014, encore plus isolés du reste du monde qu'ils ne l'étaient précédemment.
Une partie des parents avaient décidé de déscolariser leurs enfants après l'arrivée des jihadistes. Car "ils essayaient de manipuler les enfants, de leur enseigner des choses qui les encourageaient à tuer", justifie Abou Salem, une père de 28 ans habitant en face de l'école.
à la gloire de Baghdadi
"Par exemple, en cours de mathématiques, ils apprenaient à additionner des balles ou des roquettes", intervient Salem Abdel Mohsen, un autre père qui avait refusé d'envoyer ses enfants à l'école.
"Lorsque les enfants auront grandi, quel genre d'éducation auront-ils eu? Une fois diplômés, auront-ils envie de devenir médecin? ingénieur?", se demande-t-il. "Ce ne sera pas possible, ils vont bien entendu devenir Daech (acronyme arabe de l'EI)", affirme le jeune homme, aujourd'hui membre du Hachd al-Achaeri, une force paramilitaire locale.
Une copie du livre d'éducation physique publié par l'EI, flanqué du logo du groupe extrémiste sur toutes les pages, traîne sur le sol de l'une des salles de classe.
Le premier exercice est intitulé "Comment s'assoir convenablement les jambes croisées", et un autre s'articule autour du "jeu des sept pierres" pour préparer apparemment à la "Lapidation de Satan", l'un des rituels du grand pélerinage à la Mecque.
Un cours présente un exercice à exécuter tout en chantant des louages au "calife" de l'EI Abou Bakr al-Baghdadi.
"Une des maîtresses nous disait: +l'EI est bon, donne de la nourriture et de l'argent. Beaucoup d'argent. Mieux qu'à l'armée. 'Dites à vos parents de nous rejoindre',", se souvient Sanaa.
Les professeurs de l'EI réprimandaient les élèves qui se rendaient en cours, demandant aux filles d'utiliser le niqab et aux garçons de se vêtir "à l'afghane". Mais les enfants affirment n'avoir jamais été forcés à le faire.
A Jaraf, il n'y avait pas de camps d'entraînement jihadiste pour enfants comme ceux qui apparaissent dans les vidéos de propagande de l'EI.
"Les enfants ne comprenaient pas tout ça. Ce sont des enfants, ils veulent seulement jouer", affirme Abou Salem.
La plupart des enfants croisés ne semblent d'ailleurs pas traumatisés. Les jihadistes "ont essayé de nous enseigner leurs choses mais nous en avions marre de Daech et nous avons déjà tout oublié", résume Sanaa.
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