A 20 km des côtes iraniennes du Golfe, Kish aimerait ressembler à Dubaï toute proche, à moins de 200 km de là. Elle y parvient un peu, en moins grand, en moins sophistiqué.
Sur ce confetti de 91,5 km2, les routes à 4 ou 6 voies bordées de palmiers n'accueillent que des voitures récentes, dont quelques belles américaines de luxe. Les immeubles sont modernes, les hôtels confortables, et les centres commerciaux dernier cri poussent comme des champignons.
Tard le soir, on s'y presse pour dîner à la fraîche sur les terrasses des restaurants, où la plupart des femmes portent foulards et tenues colorées, visage maquillé, mèches de cheveux au vent, cigarette à la main pour certaines.
La journée, sur une longue jetée, des hommes se promènent en bermuda ou en short, ce qui est rare en Iran. Il fait chaud et l'un d'eux va même jusqu'à se mettre torse nu, une femme voilée de noir à ses côtés, ce qui ne choque personne.
Sur l'eau, des bateaux se croisent, la sono réglée au maximum diffusant de la musique techno "made in Iran", pour le plus grand plaisir des passagers, hommes et femmes mélangés, qui se trémoussent sur leurs sièges.
Contrairement à Téhéran et aux autres grandes villes iraniennes, l'air est pur à Kish, les embouteillages inexistants et l'atmosphère largement plus détendue. Le shah d'Iran renversé par la révolution islamique de 1979 aimait s'y reposer en famille.
Police des moeurs discrète
Les règles de la République islamique sont moins contraignantes sur l'île. Les véhicules vert et blanc de la police des moeurs y sont d'ailleurs beaucoup plus rares, les religieux coiffés de leur turban noir ou blanc aussi.
Cette décontraction et la frénésie d'achat dans les centres commerciaux à l'occidentale font de l'île une des principales destinations touristiques d'Iran, avec 1,8 million de visiteurs par an, essentiellement des Iraniens, surtout de Téhéran.
L'île a été la première et la plus importante des sept zones franches à être créées en Iran dans les années 1990 pour attirer les investisseurs et faciliter l'importation de biens de consommation.
Le nombre de "malls" à l'américaine (centres commerciaux) n'a cessé depuis d'augmenter, de même que celui des hôtels, aujourd'hui une quarantaine.
"Notre objectif est de faire venir 2,6 millions de touristes (par an) d'ici dix ans", affirme Ali Jirofti, l'un des dirigeants de l'Organisation de la zone franche de Kish, en précisant que "40 autres hôtels de luxe 4 et 5 étoiles sont en construction".
Cette organisation entend également "doubler les capacités" à l'international de Kish Air, la compagnie aérienne locale, et faire d'Hendorabi, une autre île encore plus petite à 20 km au nord-ouest de Kish, un "paradis écologique", sans pollution, sans route goudronnée ni voiture à énergie fossile. Un aéroport, un port et un hôtel y ont déjà été construits, indique M. Jirofti.
Il mise aussi sur le "tourisme de santé": Kish compte deux hôpitaux modernes et bien équipés, où oeuvrent des médecins iraniens réputés pour leur compétence, en particulier en chirurgie esthétique.
'Tourisme halal'
Selon Massoud Gilani, consultant en investissement basé à la fois en Iran et à Dubaï, Kish a une carte à jouer qui "pourrait lui rapporter beaucoup d'argent", celle des très courts séjours pour expatriés de Dubaï.
Fatigués des "tracas de la vie quotidienne" dans la ville-émirat, ils viendraient 2 ou 3 jours - en moins d'une demi-heure d'avion - "s'y relaxer complètement" et plonger dans les eaux claires pour admirer les fonds et la faune exceptionnels des récifs coralliens.
Reste que, si elles y sont plus souples, les règles islamiques s'appliquent tout de même à Kish: il n'y a pas de discothèques, l'alcool est interdit et les hommes et les femmes doivent aller sur des plages séparées.
Les expatriés "peuvent boire et s'amuser à Dubaï et se relaxer ici" à Kish, en se passant d'alcool pendant une très courte période, estime Massoud Gilani.
Quant à Ali Jirofti, il privilégie lui "le tourisme halal en progression, qui n'est pas incompatible avec les règles islamiques", son but étant de faire venir en priorité des touristes musulmans étrangers.
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