Dimanche, les ministres des Affaires étrangères de 28 pays membres sont invités par la chef de la diplomatie de l'UE Federica Mogherini à débattre des conséquences de cette victoire surprise lors d'un dîner à Bruxelles.
Car après les formules diplomatiques et autres invitations officielles lancées mercredi dès l'annonce du résultat, des inquiétudes s'expriment désormais ouvertement chez nombre de dirigeants européens face à l'ère qui s'ouvre dans les relations avec un partenaire historique.
"Il est vrai que l'élection de Donald Trump comporte le risque de voir les équilibres intercontinentaux être dérangés quant à leur fondement et quant à la structure", a admis vendredi le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors d'un débat à Luxembourg.
Celui qui mercredi, conjointement avec le président du Conseil européen Donald Tusk, avait convié le président élu des Etats-Unis à un sommet UE-USA en Europe dès que possible, a ensuite moins retenu ses mots.
'Deux années de temps perdu'
Evoquant les lacunes en géographie de Donald Trump - qui en juin avait qualifié la Belgique de "ville magnifique" -, le chef de l'exécutif européen a lancé: "Il faudra que nous apprenions au président désigné ce en quoi consiste l'Europe. (...) Je crois que nous aurons deux années de temps perdu jusqu'à ce que M. Trump ait fait le tour du monde qu'il ne connaît pas".
L'irruption d'un novice en politique étrangère comme partenaire de travail obligé sur des dossiers ultra sensibles tels le conflit syrien, l'Ukraine ou le changement climatique, survient alors que l'UE traverse la période la plus tourmentée de ses 60 ans d'histoire.
Entre la crise migratoire aigüe, le terrorisme, l'endettement en zone euro, l'attitude jugée menaçante de la Russie à l'Est, puis le choc du Brexit en juin - sur fond de montée des populismes -, beaucoup craignent que les secousses ne s'arrêtent jamais.
"La victoire de Trump est le signe que la démocratie libérale est en train rapidement de devenir un mouvement de résistance", s'est inquiété cette semaine le chef des libéraux au Parlement européen, Guy Verhofstadt, exhortant les Européens à "se réveiller" pour défendre leurs valeurs.
Un écho des sombres propos de Donald Tusk avant le référendum britannique du 23 juin, avertissant que le Brexit pourrait conduire à la "destruction non seulement de l'Union européenne mais aussi de la civilisation politique occidentale".
"Revenir à la vraie démocratie"
Le rôle des Etats-Unis comme leader mondial des démocraties libérales occidentales depuis 1945 "se heurtait déjà à des vents contraires", rappelle Fabian Zuleeg, du think tank European Policy Centre (EPC) à Bruxelles.
"Mais une administration Trump va renforcer les tendances isolationnistes aux Etats-Unis, ce qui portera un coup supplémentaire à ce rôle de leader", prédit cet expert.
A l'approche de grands rendez-vous électoraux dans plusieurs Etats membres (Autriche début décembre, Pays-Bas, France puis Allemagne en 2017), les craintes des dirigeants européens portent aussi sur l'effet stimulant du vote américain sur des électeurs sensibles aux sirènes de l'extrême droite.
Marine Le Pen, Nigel Farage ou encore le Premier ministre hongrois Viktor Orban, honnis à Bruxelles pour leurs discours antimigrants, ont été parmi les premiers à se féliciter de l'élection de Donald Trump.
"Nous allons pouvoir revenir à la vraie démocratie, aux discussions honnêtes, loin des contraintes paralysantes du politiquement correct", s'est réjoui Viktor Orban, saluant ce "grand moment" où "la civilisation occidentale a réussi à se libérer de l'emprise d'une idéologie".
Pour certains experts en géopolitique, le tableau n'est toutefois pas complètement noir et l'arrivée d'un Trump imprévisible à la Maison Blanche devrait être l'occasion pour les Européens d'unir davantage leurs forces, par exemple sur la sécurité et la défense.
"C'est la première fois que les alliés européens de l'Otan font face à la dure réalité d'un engagement américain qui pourrait s'avérer plus faible sous Trump. Alors, on se demande ce qu'il faudrait de plus pour qu'ils se réveillent", a fait valoir cette semaine Judy Dempsey, de l'institut Carnegie Europe.
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