Dans une allocution à la mi-journée, le président François Hollande a salué sans chaleur l'élection de son futur homologue américain -"je le félicite comme il est naturel entre deux chefs d'Etats démocratiques"- avant d'ajouter immédiatement que l'élection américaine ouvrait "une période d'incertitude".
"Les Etats-Unis constituent un partenaire de tout premier plan pour la France. Ce qui est en jeu c'est la paix, c'est la lutte contre le terrorisme, c'est la situation au Moyen-Orient, ce sont les relations économiques et c'est la préservation de la planète", a énuméré le chef de l'Etat français. Ces derniers mois, il avait dénoncé la "menace" d'une présidence Trump et parlé de "haut-le-coeur" face aux outrances du milliardaire américain.
Sur la plupart des sujets cités, dans lesquels Paris est impliqué au premier chef, Donald Trump a adopté des positions soit à contre-courant, soit très floues.
L'accord de Paris sur le climat, scellé il y a un an et considéré comme historique? Le candidat Trump a annoncé en mai son intention d'"annuler" un traité dont il n'était "pas grand fan" et a qualifié le réchauffement climatique de "canular".
L'accord controversé sur le nucléaire iranien, trophée de la présidence Obama et fruit d'années d'efforts diplomatiques internationaux? "Catastrophique" pour M. Trump, qui a promis de le "démanteler".
Sur la politique américaine au Moyen-Orient, ravagé par les guerres, et la lutte contre le terrorisme incarné par l'organisation jihadiste Etat islamique, il est jusqu'à présent resté flou.
"Sur tous ces sujets j'engagerai sans tarder une discussion avec la nouvelle administration américaine", a promis M. Hollande. "Je le ferai avec vigilance et franchise, car certaines positions prises par Donald Trump pendant la campagne américaine doivent être confrontées aux valeurs et aux intérêts que nous partageons avec les Etats-Unis", a-t-il mis en garde.
Son ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault avait dans la matinée exprimé les mêmes craintes: "Il va falloir essayer de savoir ce que veut faire ce nouveau président. Ce qu'il a dit jusqu'à présent provoque bien des inquiétudes."
Face aux interrogations suscitées par la politique étrangère du futur locataire de la Maison-Blanche, MM. Hollande et Ayrault en ont tous deux appelé à l'Europe, pourtant déjà ébranlée par le séisme du Brexit.
"Ce contexte appelle à une Europe unie, capable de s'exprimer et de porter une politique partout où ses intérêts ou ses valeurs sont en cause", a souligné M. Hollande.
"C'est un défi pour l'Europe, il faut surtout que l'Europe ne flanche pas", a pour sa part insisté M. Ayrault.
'Un monde qui s'effondre'
Les relations franco-américaines, parfois houleuses, voire tendues, restent jusqu'à aujourd'hui marquées du sceau officiel de l'"amitié" et de l'"alliance".
Après la grave crise de 2003 provoquée par l'intervention américaine en Irak, vivement contestée par la France, les relations entre Paris et Washington s'étaient apaisées. L'accession de Nicolas Sarkozy à la présidence en 2007 avait marqué un virage atlantiste prononcé, avec notamment la réintégration de la France dans le commandemant militaire intégré de l'OTAN.
Sous la présidence Hollande, les relations avec les Etats-Unis sont restées empreintes d'un ressentiment, celui d'avoir été lâché en rase campagne en 2013, lorsque le président Barack Obama a abandonné le projet de frappes militaires contre le régime syrien, accusé d'avoir mené une attaque à l'arme chimique.
Les tensions se sont aussi fait sentir dans les négociations sur le nucléaire iranien.
En même temps, la France est un des principaux contributeurs de la coalition antijihhadiste menée par les Etats-Unis et les deux pays collaborent dans la lutte anti-terroriste au Sahel.
Dans la nuit de mercredi, alors que Donald Trump se rapprochait de la victoire, l'ambassadeur français à Washington Gérard Araud, réputé pour sa liberté de ton, n'a pas hésité à tweeter son "vertige" face à "un monde (qui) s'effondre devant nos yeux".
Un tweet peu diplomatique rapidement effacé quelques heures après, tandis que le chef de la diplomatie française appelait chacun à "garder son sang-froid".
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