Les cicatrices des attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher commençaient à peine à se refermer quand la France a basculé à nouveau dans la terreur jihadiste, avec des attaques d'une toute autre ampleur (130 morts) dont le caractère indiscriminé a sidéré la population.
"On sait qu'une société occidentale soudainement frappée par un attentat de masse en temps de paix met entre six et neuf mois pour revenir +à la normale+, c'est-à-dire pour que les symboles de solidarité avec les victimes disparaissent de l'espace public et que le terrorisme cesse d'occuper toutes les conversations.
Neuf mois, c'est le temps qu'il a fallu à la société américaine après le 11-Septembre", explique Gérôme Truc, auteur de "Sidérations. Une sociologie des attentats".
"Nous venions tout juste d'arriver au bout du cycle post-attentats de janvier 2015 lorsque s'est produit le 13 novembre. Le choc a été d'autant plus fort que nous commencions à peine à revenir à la normale", explique-t-il.
L'unité nationale de janvier a volé en éclats, laissant place notamment à de vifs débats autour de l'état d'urgence et la déchéance de nationalité.
"Un nouveau clivage politique", transversal au débat droite-gauche, "s'est dessiné entre d'un côté l'appel à la sécurité et aux mesures d'exception, à plus de pouvoir pour l'exécutif, et de l'autre des gens qui veulent maintenir état de droit et des libertés", estime le sociologue Michel Wieviorka.
Ce débat a été alimenté par la litanie des attentats (Bruxelles, Magnanville, Nice, Saint-Etienne-du-Rouvray) et des tentatives déjouées qui ont suivi, plongeant la France dans une apnée terroriste. "La répétition des attaques rend plus difficile encore le retour à la normale", souligne Gérôme Truc.
'Fondamentaux républicains' solides
L'attentat de Nice, huit mois après le 13 novembre, a suscité des réactions virulentes contre l'Etat, jugé incapable d'assurer la sécurité, et des tensions entre citoyens.
Pour Michel Wieviorka, ces attitudes relèvent d'une "logique d'envahissement-enfouissement". "Il y a de l'excès au moment du terrorisme. On ne parle que de ça, ça emplit notre existence et quand on a enterré les morts et fait les gestes symboliques qui s'imposent, on n'en parle plus. On retrouve cette logique chez des populations qui vivent sur des volcans ou une faille sismique", explique-t-il.
Dans ce climat, les 4 à 5 millions de musulmans sont confrontés à "une injonction paradoxale", relève-t-il: "On leur dit +Vous êtes en République, dans l'espace public il n'y a que des individus libres et égaux en droit donc ne vous faites pas voir comme musulmans+, et en même temps on leur dit +Il serait bon que vos responsables dénoncent publiquement le terrorisme et s'expriment contre l'islamisme radical+."
Mais "une fois que l'on met de côté la surface du débat politico-médiatique, l'emballement des réseaux sociaux, l'affaire du burkini, on voit que globalement la société, dans ses fondamentaux républicains, résiste bien", considère le politologue Stéphane Rozès, directeur de "Conseil analyses et perspectives".
Si des hommes politiques "instrumentalisent certaines craintes et inquiétudes" avec l'élection présidentielle en tête, ils se retrouvent surtout selon lui mis au défi, car "ces attentats ravivent des problèmes de fond qui ne se limitent pas au terrorisme islamiste: ils réveillent un mal français qui provient de l'écart entre les principes républicains et la réalité de la République au quotidien".
"La réponse ne peut pas être seulement +Il faut défendre la Nation par des mesures antiterroristes, défendre la République de façon intransigeante dans ses principes+, ça doit être de donner un avenir à la jeunesse, quelles qu'en soient les catégories. Depuis de nombreuses années, les dirigeants français n'arrivent plus à offrir un projet, ils disent au pays qu'il faut intérioriser des contraintes extérieures et faire au mieux", estime-t-il.
Avec une menace diffuse qui plane sur elle, "la société française vit une situation inédite pour les sociétés occidentales depuis la Seconde Guerre mondiale", estime Gérôme Truc: "Une situation de +ni guerre, ni paix+ dont il lui faudra du temps pour sortir et pour en mesurer toutes les conséquences."
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