Des siècles de démocratie ont permis aux Britanniques de développer une véritable industrie de la satire des puissants qui s'exprime aujourd'hui sur internet ou dans les journaux mais aussi à la télévision, à la radio et via les milliers de spectacles d'humoristes qui remplissent les scènes à travers le pays.
"Quand il s'agit d'écrire des plaisanteries, le résultat du référendum a été une mine", reconnaît dans le Guardian l'humoriste Al Murray, qui incarne un propriétaire de pub xénophobe et grande gueule.
Le bi-hebdomadaire Private Eye connaît actuellement sa meilleure période depuis sa création il y a 30 ans, avec 230.000 ventes par numéro, et Neil Rafferty, le rédacteur en chef de The Daily Mash, un média satirique en ligne très populaire, reconnaît que le Brexit suscite "un intérêt vorace" en matière de blagues au Royaume-Uni.
"C'est un thème riche. Mais c'est aussi parce qu'on a un grand nombre de personnes excentriques d'impliquées. Il y a des opinions radicales qui sont du pain béni pour les humoristes. Comme tout le monde prend le problème très au sérieux, nous pouvons présenter un point de vue alternatif qui est dans l'exagération", a-t-il expliqué à l'AFP.
"Bon, vraiment, non? dit Cameron", "L'ultime politicien pro-Brexit abandonne le Royaume-Uni (après la vague de démission qui a suivi le référendum), "L'Australie est le partenaire commercial idéal, assurent les Britanniques qui disent que les trois mois d'attente ne les dérangent pas": voici quelques titres goguenards de numéros de The Daily Mash de ces derniers mois.
Qui aime Boris Johnson?
Pour Steve Bennett, le directeur de la revue Chortle, dédiée au monde de l'humour, "le Brexit a suscité beaucoup de tensions en partie raciale mais majoritairement politique. La comédie est un instrument important pour tout adoucir et amener les gens à voir les absurdités des deux camps".
Un vendredi soir dans le quartier londonien de Shoreditch au Comedy Cafe, l'humoriste du jour demande au public qui aime Boris Johnson, chef de file de la campagne en faveur du Brexit avant de devenir le ministre des Affaires étrangères et l'une des cibles préférées des humoristes.
Un homme qui se présente comme Turc lève timidement la main et s'explique, en affirmant que Boris Johnson a des ancêtres turcs, donnant lieu à des sarcasmes du comique qui font rire l'assistance.
Si la majorité des humoristes semble plutôt anti-Brexit, Geoff Norcott fait exception.
Pour lui, le Brexit sera sujet à plaisanterie "jusqu'à ce que nous soyons pauvres. Et puis nous allons rire d'autre chose parce que c'est meilleur de rire que de pleurer", dit-il à l'AFP.
Toutes les blagues ne font d'ailleurs pas rire, raconte-t-il, se souvenant qu'une femme l'a un jour insulté et a quitté son spectacle lorsqu'il a dit qu'il était pro-Brexit.
"L'hystérie, c'est ce qui est amusant", estime l'humoriste. "On nous dit qu'à partir de maintenant, on n'aura plus d'argent, plus de droits de l'Homme. Et je me dis +On quitte juste l'Union européenne, on ne va pas rejoindre la Corée du Nord!".
'Rire pour ne pas pleurer'
Pour l'humoriste Matt Green, le succès de ce thème repose sur le fait que "tout le monde a des convictions fortes mais personne ne sait ce qui va se passer. L'ensemble des politiques ont l'air d'en avoir aucune idée".
Et dans ce contexte, a-t-il dit à l'AFP, "les spectateurs veulent rire pour ne pas pleurer".
Au club de la comédie de l'humoriste-troubadour Mitch Benn, il chante "Fuck l'UE" qui, malgré son titre, pose un regard affectueux sur tous les préjugés sur les peuples européens, du côté ennuyeux des Allemands à la sieste des Espagnols.
Mitch Benn, europhile convaincu, s'en prend à la Première ministre Theresa May, exemple, selon lui, de l'absurde.
"Nous avons (Theresa) May qui tient des affirmations ridicules comme +le Brexit est le Brexit+. Ca ne veut rien dire. Brexit est un mot qui a moins de 12 mois d'existence et personne n'est capable de le définir correctement (..). C'est comme dire +Argulfoop est Argulfoop".
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