Les trois juges de la Cour ont infligé un sérieux revers judiciaire au gouvernement conservateur en estimant jeudi que les députés devaient se prononcer sur le déclenchement du processus de sortie de l'Union européenne.
Cette décision a suscité la colère de certains "Brexiters" inquiets des complications qu'elle pourrait entraîner dans la mise en oeuvre du divorce avec l'UE, mais aussi d'une partie de la presse eurosceptique, le tabloïd Daily Mail n'hésitant pas à présenter les trois magistrats comme des "ennemis du peuple".
Ce type de rhétorique "menace l'indépendance de notre justice", a regretté samedi Bob Neill, le président conservateur de la Commission de la Justice de la chambre des Communes, dans le Times.
"Certaines des choses qui ont été dites (...) sur le jugement de la Cour sont profondément scandaleuses", a-t-il insisté, en exhortant Theresa May à prendre l'initiative pour que ces attaques cessent.
"Les membres du gouvernement, à commencer par la Première ministre, doivent maintenant indiquer clairement que l'indépendance de la justice est fondamentale au fonctionnement de notre démocratie", a-t-il dit, tandis que le Times regrettait, dans un éditorial, "une odeur de Berlin dans les années trente".
'Pas en mon nom'
"Quel message sommes-nous en train d'envoyer au reste du monde? Probablement celui d'une nation qui court le danger de s'égarer", s'est de son côté inquiétée l'ancienne secrétaire d'Etat conservatrice Anna Soubry.
"Il est temps qu'on y mette le holà, il est temps qu'on dise +pas en mon nom+", a-t-elle déclaré dans le Guardian, le quotidien appelant également le gouvernement à "défendre" l'institution judiciaire.
Cet énième rebondissement depuis le référendum sur l'UE du 23 juin est un nouvel écueil pour Theresa May, qui avait clairement fait savoir qu'elle activerait d'ici à la fin mars l'article 50 du Traité de Lisbonne, qui lance la procédure de divorce avec l'UE, sans passer par la case Parlement.
Combatif, l'exécutif a immédiatement réagi en annonçant qu'il ferait appel devant la Cour suprême, Theresa May affirmant dans la foulée qu'elle gardait son calendrier "inchangé", au cours de conservations téléphoniques avec la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande, notamment.
Reste que la décision de la Haute Cour, si elle est confirmée par la Cour suprême, risque de provoquer des débats parlementaires à rallonge susceptibles de ralentir significativement la mise en oeuvre du Brexit et de peser sur les négociations entre Londres et Bruxelles.
Elections anticipées ?
Signe de la tension ambiante, le député conservateur Stephen Phillips, partisan d'un rôle accru du Parlement avant l'activation de l'article 50, a annoncé sa démission en évoquant des "désaccords politiques inconciliables avec le gouvernement".
Ce départ, notait samedi le quotidien conservateur The Telegraph, "met Theresa face à un défi politique qui s'ajoute à la crise constitutionnelle dont elle a héritée" en prenant les commandes du gouvernement après le référendum du 23 juin.
Et c'est finalement sans surprise que la question d'éventuelles élections législatives anticipées a rejailli ces dernières 48 heures, une hypothèse "ouvertement discutée" au sein du gouvernement, selon le Telegraph.
"Le problème, c'est qu'il y a une majorité de pro-Brexit dans le pays et une majorité de pro-maintien (dans l'UE) au Parlement", a déclaré un membre du gouvernement cité par le journal, sous le couvert de l'anonymat.
"Etant donné le jugement de la cour et la possibilité que nous ne gagnerons pas en appel (...) je suis ouvert à l'idée d'élections anticipées", a-t-il ajouté.
Du côté de l'opposition, le chef du Parti travailliste Jeremy Corbyn a estimé samedi que ce jugement soulignait "la nécessité pour la Première ministre de présenter sans attendre" devant le Parlement sa stratégie pour la sortie de l'UE.
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