Si le cas de Lucia Pérez, droguée, violée et torturée, a choqué l'Argentine, l'appel à manifester le 19 octobre a été suivi au Chili, en Uruguay, en Bolivie et au Mexique notamment, scandalisés par leurs propres drames, comme la mort de Florencia, asphyxiée par son beau-père, ou de Joseline Perralta Aguirre, retrouvée étranglée et couverte de bleus.
Au Pérou, le président Pedro Pablo Kuczynski a participé à une protestation similaire en août réunissant 50.000 personnes. Dans la région, syndicats et partis politiques se sont joints au mouvement.
"Oui, il y a un changement et c'est très important", salue l'Indienne Lakshmi Puri, directrice exécutive adjointe d'ONU Femmes, dans un entretien à l'AFP : "Ce cri de zéro tolérance (face aux violences machistes, ndlr) vient désormais de partout".
Cela lui rappelle son propre pays où le viol collectif et la torture d'une étudiante, fin 2012, avaient déclenché une mobilisation historique. En Amérique latine où règne "la culture du machisme", "c'est la même indignation que provoque actuellement cette violence brutale contre des femmes et des fillettes".
La région offre un sombre panorama : sur les 25 pays au monde enregistrant le plus de meurtres machistes, la moitié sont latino-américains, explique Mme Puri.
L'aide des réseaux sociaux
"C'est terriblement dangereux d'être une femme en Amérique latine", se désole Ariadna Estevez, chercheuse à l'Université nationale autonome de Mexico.
Elle rappelle qu'au Mexique, "la mobilisation contre les meurtres de femmes dure depuis au moins 20 ans, à cause des femmes assassinées à Ciudad Juarez", mais est longtemps restée cantonnée aux proches des victimes.
Désormais dans la région, "il y a un réveil" : en Argentine, "depuis l'an dernier, une campagne a été créée avec le mot-clé #NiUnaMenos" (Pas une de moins) et au Mexique, le printemps violet (#Primaveravioleta) a éclos sur Twitter ou Facebook.
"Les réseaux sociaux ont joué un rôle fondamental", explique Ariadna Estevez, et pas seulement pour mobiliser les foules.
"Cela a servi de catharsis, car beaucoup de femmes n'avaient pas parlé du harcèlement et de la violence qu'elles avaient subis : elles se sont rendues compte que cela concernait pratiquement la majorité des femmes", comme au Brésil avec la campagne #Meuprimeiroassedio (mon premier harcèlement).
En Uruguay, l'assistante sociale Fanny Samuniski reçoit depuis des années, dans l'association Mujer Ahora, des femmes maltraitées.
Elle a noté une évolution : "au début, elles venaient en disant +je suis désespérée, je veux que vous lui parliez...+. Maintenant elles arrivent en demandant +quels sont mes droits ?+".
Dans ce petit pays réputé pour avoir été l'un des premiers de la région à autoriser le divorce et l'avortement, 19 femmes ont été assassinées par leur partenaire ou ex-partenaire depuis début 2016, selon un décompte d'associations.
Nouvelles générations
Un cas, en juin, a horrifié les Uruguayens : à Paysandu (nord), un homme a incendié la maison de son ancienne compagne, la blessant grièvement et tuant ses trois filles et une amie.
Face aux violences conjugales, "les femmes dénoncent beaucoup plus qu'avant mais elles supportent ça dix ans" avant de porter plainte, souvent parce qu'elles n'ont pas les moyens de vivre seules, soupire Fanny Samuniski.
Elle milite pour inclure dans le code pénal uruguayen le concept de "féminicide", comme l'ont déjà fait 16 pays latino-américains pour mieux comptabiliser et sanctionner ce fléau.
A presque 80 ans, elle se réjouit de voir ces mobilisations massives contre la violence machiste : "les femmes de ma génération, nous étions beaucoup plus timides, elles (les nouvelles générations, ndlr) sont plus guerrières".
L'Argentine Maria Nieves Rico, directrice du département des questions de genre à la Commission économique pour l'Amérique latine (Cepal), a participé à la manifestation régionale du 19 octobre, à Santiago du Chili, siège de cet organisme de l'ONU.
"Ce qui m'a frappée, de façon positive, c'est la quantité de jeunes filles", raconte-t-elle, soulignant que celles-ci "naissent et s'éduquent dans un autre contexte" qui leur donne plus d'armes pour réagir.
Il faudra du temps pour changer les mentalités dans la région, mais "on entend leurs voix, et cela aide toujours".
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