Sac sous le bras, les uns se brossant les dents sur un bout de trottoir, les autres déjà prêts à monter dans un bus : ces hommes, ces femmes et ces enfants, des Soudanais, des Afghans et des Érythréens notamment, ont été réveillés avant 06H00 pour quitter le campement, situé aux stations de métro Stalingrad et Jaurès, et devenu le plus gros bidonville de France après la fin de la "Jungle" la semaine dernière.
Les derniers bus sont partis peu après midi, emmenant les derniers des "3.852" migrants évacués au total, selon les chiffres de la préfecture d'Île-de-France. Derrière eux : tentes ouvertes, matelas jonchés de feuilles, déchets...
"Ça fait un mois que j'étais ici dans une tente, c'est bien de partir", explique Khalid, 28 ans, qui n'a "aucune idée de où on va".
Mohamed Mardi, un Soudanais de 28 ans, est arrivé d'Italie la veille après avoir reçu "des coups de fil". "Nous avons traversé la mer pour une raison, je veux juste un endroit calme pour vivre."
"On a les places pour héberger tout le monde", a assuré sur place à l'AFP la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, alors que la recherche des hébergements a relevé de la gageure jusqu'à la dernière minute.
"À l'heure à laquelle je vous parle, il n'y a plus de problème humanitaire à Calais, il n'y en a plus non plus à Paris", a affirmé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, lors d'un colloque au musée de l'immigration.
La ville de Paris a pris en charge 450 personnes vulnérables (mineurs, familles, femmes isolées), selon la maire Anne Hidalgo sur les lieux. Elle a annoncé l'ouverture dans les prochains jours du "centre d'accueil humanitaire" pour migrants prévu dans la capitale.
Près de 600 membres des forces de l'ordre étaient mobilisés. "C'est une grosse opération" qui vise à orienter plusieurs centaines de personnes vers 74 centres d'hébergement en Île-de-France et des gymnases, a insisté le préfet de la région Île-de-France Jean-François Carenco.
A Maurepas, dans les Yvelines, des élus opposés à l'accueil de migrants dans un gymnase réquisitionné ont manifesté et obtenu leur réorientation vers un autre local. L'État doit "mieux s'organiser" et "cesser les réquisitions sous 48 heures", a dénoncé Thierry Gasteau, directeur de cabinet du maire.
"Le plus grand" campement
"Aujourd'hui a lieu la mise à l'abri et le démantèlement du campement le plus grand que nous ayons connu", a souligné la maire de Paris. Même si la France est plutôt épargnée par la crise migratoire qui frappe l'Europe depuis 2015, une trentaine d'évacuations ont été menées dans la capitale depuis plus d'un an.
Démantelé à plusieurs reprises, avec notamment deux évacuations record en juillet (environ 2.500 personnes "mises à l'abri") et septembre (environ 2.100), le campement de Stalingrad s'était reconstitué rapidement au cours des dernières semaines.
Avant l'opération de vendredi, près de 20.000 prises en charge avaient été faites par les pouvoirs publics.
Soudanais, Afghans et Érythréens s'étaient installés dans une myriade de tentes ou à même le sol, dans des conditions sanitaires et humaines dégradées.
Des contrôles policiers, visant à "préserver la salubrité et l'ordre public", avaient régulièrement lieu sur ce campement, vivement dénoncés par les associations.
Depuis juin 2015, les campements se sont régulièrement reconstitués dans les quartiers proches de la gare du Nord, alimentés par des arrivées depuis la Méditerranée et des aller-retours avec Calais.
"Tous les jours on va évacuer des campements?" a dénoncé le député LR Éric Ciotti. Pour lui, avec le démantèlement de campements comme la "Jungle", "on va lancer un appel d'air à tous ceux qui veulent venir aujourd'hui en Europe en disant +en France, on régularise à bas coût finalement+".
Pour empêcher la reconstitution de ces campements, Anne Hidalgo a décidé au printemps de créer un "centre d'accueil humanitaire" à Paris.
Il ouvrira ses portes "dans les jours qui viennent", selon Emmanuelle Cosse. "Je l'espère dès la semaine prochaine", a confirmé Mme Hidalgo.
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