C'est le dernier "happening de protestation" au Teatr Polski de Wroclaw en Pologne, où la troupe conteste son nouveau patron élu avec le soutien du gouvernement conservateur.
Le directeur, Cezary Morawski, y met fin immédiatement: il fait couper l'éclairage.
Pourtant, s'entretenant quelques jours plus tôt avec l'AFP, M. Morawski, acteur lui-même, se disait tolérant vis-à-vis de tels incidents. "La démocratie existe pour que chacun puisse exprimer son opinion", affirmait-il.
Le conflit est en partie politique: arrivé le 1er septembre, M. Morawski, bien que sans-parti, était appuyé par les autorités régionales et le ministère de la Culture contre un candidat du directeur sortant Krzysztof Mieszkowski, député d'opposition et adversaire du ministre de la Culture Piotr Glinski. Les acteurs rebelles ont affirmé que le concours avait été "arrangé" et ont obtenu que le parquet ouvre une enquête.
Exaltation de l'histoire
Le parti au pouvoir Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski se dit attaché au pluralisme et à la liberté de la culture, mais souhaite promouvoir surtout celle qui n'est pas "destructrice" et contribue à renforcer la communauté nationale.
La querelle au Polski, l'une des grandes scènes polonaises, a fait des vagues après des critiques virulentes lancées contre le nouveau directeur par un homme de théâtre polonais internationalement connu, Krystian Lupa. Le mois dernier, une manifestation de quelque 500 personnes sous le mot d'ordre "On ne vous laissera pas prendre la culture", animée par des acteurs du Polski, s'est déroulée à Varsovie.
Le président (maire) de Wroclaw, Rafal Dutkiewicz, hôte cette année de la Capitale européenne de la culture et des Olympiades théâtrales, cherche à réduire les passions: "Le théâtre peut fort bien se mêler de politique, mais la politique ne doit pas intervenir au théâtre", dit-il à l'AFP.
Le conflit au Polski de Wroclaw est loin d'être le seul front ouvert entre le monde de la culture et celui de la politique.
A Bydgoszcz (nord), une députée PiS, Anna Sobecka, a dénoncé au parquet la pièce "Notre violence, votre violence" mise en scène par le Croate Oliver Frljic.
"Pornographie et blasphème", a-t-elle tonné fin septembre dans une lettre ouverte, choquée par une scène où "une musulmane nue sort de ses parties intimes un drapeau polonais" et une autre où "le personnage jouant le Christ viole une jeune fille arabe".
A Gdansk, c'est la décision de faire fusionner le Musée de la Seconde Guerre mondiale, qui doit s'ouvrir en 2017, avec un autre encore en projet, qui a fait des étincelles. Le but, selon le ministre Glinski, est de donner un contenu plus patriotique à une exposition "trop universelle". Et peut-être, ajoutent ses critiques, de se débarrasser du directeur actuel, un proche de l'ex-Premier ministre Donald Tusk, adversaire politique de M. Kaczynski et aujourd'hui président du Conseil européen.
A Varsovie, à l'Institut Mickiewicz, organisme destiné à promouvoir la littérature, la musique et l'art polonais à l'étranger, le directeur Pawel Potoroczyn a été remercié en juillet dernier.
'Nouveau Polonais'
L'une des raisons possibles de sa disgrâce, a dit à l'AFP M. Potoroczyn, pourrait être la politique du PiS dite "de refus de génuflexion", autrement dit d'affirmation de l'orgueil national. Le ministère de la Culture, lui, a évoque une "perte de confiance" et des difficultés dans la collaboration avec d'autres institutions.
Un éditeur catholique libéral de Cracovie, Henryk Wozniakowski, livre une analyse plus générale.
"Le PiS suit le mot d'ordre +politique d'abord+, dit-il à l'AFP. Il n'y a pas pour lui de valeurs culturelles autonomes. Toutes doivent être subordonnées à son grand dessein politique, celui de créer un nouvel Etat, une nouvelle société, autrement dit un nouveau Polonais, dévoué à sa communauté historique et discipliné".
"Des théâtres qui avancent des visions individualistes et ne servent pas à bâtir une conscience nationale autour de la vision qu'a le PiS du passé, de la communauté, du rôle du chef et de l'ennemi, sont graduellement pris en main, comme d'autres centres de création d'oeuvres symboliques", pense-t-il.
Contacté par l'AFP, le ministère de la Culture n'a pas souhaité commenter les différents points de friction.
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