Onze personnes soupçonnées "d'homicide involontaire" ont été présentées mardi à un juge d'instruction au Maroc, quelques jours à peine après la mort d'un vendeur de poissons qui a suscité indignation et manifestations dans le pays.
Mouhcine Fikri, âgé d'une trentaine d'années, est décédé vendredi soir écrasé par le mécanisme de compactage d'une benne à ordures dans la ville côtière d'Al-Hoceima (nord). Il tentait alors de s'opposer à la saisie et à la destruction de sa marchandise, de l'espadon, une espèce interdite à la pêche à cette époque de l'année.
Les circonstances atroces de sa mort ont provoqué une vague de manifestations populaires à Al-Hoceima, dans la région du Rif, et des rassemblements de moindre ampleur dans d'autres grandes villes.
Le roi Mohammed VI avait très vite ordonné une enquête "minutieuse et approfondie" sur le drame.
Mardi, quelques jours à peine après les faits, le procureur général du roi à Al-Hoceima (nord) a annoncé avoir déféré devant le juge d'instruction 11 personnes "pour faux en écriture publique et homicide involontaire suite au décès de Mouhcine Fikri".
Parmi elles figurent "deux agents d'autorité (cadres du ministère de l'Intérieur), le délégué de la pêche maritime, le chef de service de la délégation de la pêche maritime et le médecin chef du service de la médecine vétérinaire", a précisé le procureur dans un communiqué relayé par l'agence de presse officielle MAP.
Les enquêteurs ont établi que le conducteur dans la cabine du camion avait "reçu un signal d'un ouvrier de la société (de ramassage des ordures) d'alimenter la benne-tasseuse en électricité" alors que Mouhcine Fikri était monté avec plusieurs personnes à l'arrière de cette benne "pour empêcher que ses poissons n'y soient chargés", selon le parquet.
"La benne-tasseuse s'est alors mise en marche (...), provoquant ainsi la mort" de la victime.
- Pas 'd'ordre d'agression' -
L'enquête n'a révélé "aucun ordre d'agression de la victime par une partie quelconque", et le parquet a estimé que "les actes commis revêtent le caractère d'un homicide involontaire".
Traduit sur les réseaux sociaux par le hashtag en arabe "#broie-le", ce point en particulier avait suscité la polémique et la colère des habitants d'Al-Hoceima, certains suspectant qu'un ou des représentants de l'autorité avaient ordonné ou volontairement mis en marche le mécanisme de compactage alors que Mouhcine était à l'arrière du camion.
D'après les éléments de l'enquête, M. Fikri avait acheté à des pêcheurs du port d'Al-Hoceima près de 500 kg d'espadon, une espèce interdite à la pêche en automne.
Il avait confié sa marchandise à un tiers, dont le véhicule avait échappé aux habituels contrôles à la sortie du port. Signalé à la police, le véhicule avait été finalement arrêté sur une avenue de la ville, explique l'agence de presse officielle marocaine MAP.
Venu sur place, un représentant de la délégation de la pêche maritime "a constaté des infractions". La police a "informé le parquet général qui a ordonné de remettre le conducteur et les poissons saisis au délégué de la pêche maritime".
Le vétérinaire a alors ordonné la destruction du poisson, faute de document attestant de son origine. Il a été fait appel "à un camion de ramassage d'ordures". La société de ramassage a exigé un "ordre de destruction" écrit avant de procéder à la manoeuvre.
Cet ordre a été rédigé sur place et remis au représentant de la société de ramassage d'ordures. Pour le parquet, ceci "constitue (...) un faux en écriture publique".
Le cliché du cadavre de Mouhcine, la tête congestionnée et un bras dépassant du mécanisme de compactage de la benne, a été abondamment relayé sur les réseaux sociaux, alimentant un peu plus l'indignation.
Une marée humaine avait assisté à ses funérailles dimanche près d'Al-Hoceima, et des milliers de personnes se sont de nouveau rassemblées lundi soir dans la ville pour demander justice, sous des portraits du "martyr Mouhcine" et des drapeaux berbères.
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