L'abandon de la direction de Ouest-France par François-Régis Hutin, 87 ans, a été un coup de tonnerre. Mais s'il prépare sa succession, le patriarche continuera à veiller à la ligne éditoriale du prestigieux journal familial, estime-t-on au sein du groupe.
En abandonnant vendredi la direction opérationnelle pour se consacrer à un nouveau comité éditorial, le vieil homme fatigué mais toujours énergique a désigné son remplaçant à la présidence du directoire: Louis Echelard, depuis dix ans un proche collaborateur, gestionnaire bien reconnu.
Son gendre, Matthieu Fuchs, considéré comme le potentiel dauphin, assurera les fonctions de vice-président et directeur général.
Le groupe Sipa Ouest-France représente un pouvoir considérable dans l'Ouest, à la fois culturel, politique, social, économique, mais ce géant est confronté comme tous les médias à une douloureuse révolution numérique.
"Nous prenons des initiatives, avec de nouveaux services notamment numériques. Mais nous sommes régulièrement rattrapés par les tendances défavorables" que sont l'érosion de la diffusion des journaux papier et des revenus de publicité, a constaté vendredi M. Echelard.
"Nos efforts sont neutralisés (...) C'est une spirale qu'il nous faut contrarier", a-t-il ajouté, appelant à un effort "collectif", conforme à l'éthique du journal, pour "poursuivre des transformations, de plus en plus profondes, plus rapides dans leur mise en oeuvre".
Ouest France a réalisé un chiffre d'affaires en 2015 de 952 millions d'euros, mais son résultat opérationnel a été en déficit de 5,2 millions d'euros.
Le premier groupe de presse français, issu de l'Ouest-Eclair fondé à la fin du XIXème en Bretagne par des catholiques libéraux ralliés à la IIIème République, a toujours, sous la houlette de François-Régis Hutin, maintenu son indépendance, notamment contre les vélléités de contrôle de Robert Hersant.
Il fait entendre sa voix sur les grandes questions nationales et internationales. Avec des éditoriaux signés notamment de François-Régis ou de sa fille Jeanne-Emmanuelle, restée membre du comité de direction.
Sipa Ouest-France compte le quotidien Ouest-France (712.000 exemplaires, 53 éditions) et Dimanche Ouest France (364.000 exemplaires), 1er journal du dimanche par sa diffusion, un important pôle mer, dont l'hebdomadaire Le Marin, le groupe des Journaux de Loire (Courrier de l'Ouest, Maine libre, Presse Océan), Publihebdos qui regroupe 93 hebdomadaires d'information locale, une régie publicitaire, etc.
Seul le Télégramme de Brest lui fait concurrence dans une partie de la Bretagne.
M. Echelard a parlé vendredi de "défis difficiles", d'"impératif de rentabilité" et d'"efforts pour rester compatibles" avec le budget.
- Respect du pacte social d'entreprise? -
Le syndicat national des journalistes (SNJ) a aussitôt demandé que "les changements annoncés se fassent en respectant le pacte social de l'entreprise".
M. Hutin est respecté en interne pour sa culture d'entreprise, protectrice des salariés, teintée d'un relent de paternalisme catholique.
A Ouest-France, les grandes mutations depuis 1944 ont été opérées dans le dialogue, se félicite-t-on de source syndicale. Et on craint que Matthieu Fuchs, probable futur numéro un, procède à des coupes moins concertées, comme il l'a fait dans le groupe des Journaux de la Loire dont il est le PDG.
Pour beaucoup de connaisseurs du groupe, ce début d'un processus de succession n'est pas un traumatisme parce que c'est François-Régis Hutin qui l'a initié et décidé. Raison pour laquelle l'annonce aux lecteurs en a été faite discrètement dans un bref communiqué en page 3, dans l'édition de samedi du journal.
"L'essentiel est qu'il soit encore là. C'est toujours lui qui décide", assure un journaliste sous le couvert de l'anonymat.
Interrogé par l'AFP, le rédacteur en chef, François-Xavier Lefranc, évoque "un passage de relais très naturel, avec la volonté réaffirmée du maintien de la ligne éditoriale" basée sur la défense des valeurs éthiques et de la démocratie. "Cette ligne éditoriale est le socle pour le développement futur", assure-t-il.
Un développement qui pousse les moteurs sur le numérique, tout en s'efforçant de sauvegarder l'atout d'origine: un journal bon marché, au contenu pas seulement local, mais national.
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