L'ex-général chrétien Michel Aoun est devenu lundi le nouveau président libanais, mettant fin à un vide institutionnel de deux ans et demi en raison des profondes divisions liées notamment à la guerre en Syrie.
Cette forte personnalité de la politique libanaise âgé de 81 ans a insisté dans son discours d'intronisation sur l'impérieuse nécessité de préserver son petit pays du conflit qui dévaste la Syrie voisine.
"Le Liban est épargné jusqu'à présent par les incendies qui consument la région, et notre priorité est d'empêcher qu'une étincelle atteigne (le Liban). Il est donc nécessaire d'éloigner le Liban des conflits régionaux", a-t-il déclaré.
Il a affiché son désir de se distancier de la guerre en Syrie alors que son principal allié, le mouvement chiite du Hezbollah, combat depuis trois ans dans le pays voisin aux côtés des forces du régime de Bachar al-Assad.
Michel Aoun a été élu au second tour par 83 voix à la Chambre des députés où siégeaient 127 élus.
Son élection avait été actée à la suite d'un laborieux compromis entre les principales factions politiques, habituellement promptes à s'affronter sur tous les dossiers.
Elle met fin à 29 mois de vide institutionnel, car le Liban n'avait plus de président depuis la fin du mandat, en mai 2014, de Michel Sleimane.
Outre le Hezbollah, il a été élu grâce à l'appui inopiné de deux de ses adversaires politiques: le chef chrétien maronite des Forces libanaises (FL) Samir Geagea et l'ancien Premier ministre musulman sunnite Saad Hariri. Tous deux sont hostiles au Hezbollah et au président Assad.
Au Liban, les trois principaux postes de l'État sont dévolus aux trois plus importantes communautés religieuses: la présidence de la République à un chrétien maronite, celle du Parlement à un musulman chiite et le poste de Premier ministre à un musulman sunnite.
M. Aoun, qui devient le troisième général à accéder à la magistrature suprême, rejoint pour six ans non-renouvelable le palais présidentiel de Baabda, d'où il avait été chassé il y a 26 ans par l'armée syrienne.
En 1988, le président Amine Gemayel, quittant le pouvoir sans successeur, l'avait en effet nommé à la tête d'un gouvernement militaire et installé au palais présidentiel. Il y était resté deux ans.
- Hariri de retour? -
"Je jure devant Dieu, que je respecterai la Constitution et ses lois et que je préserverai l'indépendance de la nation libanaise et l'intégrité territoriale", a-t-il affirmé devant les députés.
Dans son discours, il s'est particulièrement inquiété de la présence de plus d'un million de réfugiés syriens au Liban. "Nous devons nous assurer du retour rapide dans leur pays des déplacés syriens et oeuvrer pour que les camps de déplacés ne se transforment pas en zones hors de contrôle".
"Il ne peut y avoir de solution en Syrie qui ne comprennent pas, ou ne commencent pas, par le retour des déplacés", a-t-il souligné.
Dans le contexte de blocage des institutions publiques, M. Aoun a également souligné la nécessité d'entreprendre des réformes économiques et d'assurer la stabilité politique.
Les autorités, minées par la corruption, s'avèrent incapables d'offrir à la population les services de base comme le ramassage des ordures la distribution électrique et de l'eau potable.
Le président joue un rôle d'arbitre mais ses prérogatives ont été fortement rognées depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
L'élection de M. Aoun devrait permettre à M. Hariri de redevenir Premier ministre, un poste qu'il avait déjà occupé entre 2009 et 2011.
- Damas et Téhéran applaudissent -
La victoire de M. Aoun a été célébrée par des feux d'artifice dans le quartier chrétien d'Achrafié de Beyrouth. A Jedidé, dans la banlieue est de la capitale où il habite, des milliers de voitures klaxonnaient, ses partisans brandissaient son portrait et d'autres sablaient le champagne.
"Je suis très heureuse: après 25 ans on a réalisé le rêve, je n'arrive pas à y croire", a déclaré Gisèle Tamam, une comptable de 33 ans.
La Syrie exultait aussi. Le quotidien proche du pouvoir Al-Watan publie à la une la photo de Michel Aoun, avec ce commentaire: "C'est le triomphe de la résistance, de la Syrie et de ses alliés. C'est le triomphe de Michel Aoun. C'est la victoire pour l'option nationale".
L'Iran a "félicité" le peuple libanais, voyant dans l'élection de Aoun "un pas important pour enraciner la démocratie et assurer la stabilité du Liban".
Trapu et rondouillard, Michel Aoun est décrit par ses détracteurs comme un homme colérique, capable d'audacieuses volte-face politiques.
Sur les réseaux sociaux, des internautes partagent ainsi depuis plusieurs jours des vidéos de l'ancien militaire dénonçant comme "illégitime" ce même Parlement qui doit aujourd'hui l'élire, l'institution ayant prolongé à deux reprises son mandat.
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