La police turque a arrêté le rédacteur en chef et plusieurs journalistes de Cumhuriyet, le principal quotidien d'opposition, devenu la bête noire du président Recep Tayyip Erdogan à la suite de plusieurs révélations embarrassantes pour son pouvoir.
Ces arrestations sont la dernière mesure en date prise dans le cadre des vastes purges déclenchées en Turquie après la tentative de putsch en juillet contre le président Erdogan et qui ont touché de plein fouet la presse, avec la détention de dizaines de journalistes et la fermeture d'une centaine de médias.
Le journal a annoncé qu'une douzaine de ses dirigeants et journalistes, dont le rédacteur en chef Murat Sabuncu, avaient été interpellés et placés en garde à vue à la mi-journée. Au total, 14 mandats d'arrêt ont été délivrés, selon le journal.
Ces arrestations se font dans le cadre d'une enquête pour "activités terroristes" en lien avec le mouvement du prédicateur Fethullah Gülen --accusé d'avoir ourdi le putsch raté du 15 juillet dernier -- et avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), selon un communiqué du parquet d'Istanbul, cité par l'agence de presse progouvernementale Anadolu.
Elles surviennent deux jours après un décret paru samedi soir au Journal officiel annonçant la fermeture de 15 quotidiens, magazines et agences de presse, basés pour la plupart dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie.
Les policiers ont perquisitionné les domiciles de plusieurs figures de Cumhuriyet, dont Akin Atalay, président du directoire, du journaliste Güray Oz et du caricaturiste Musa Kart.
Nombre de lecteurs du journal appelaient sur les réseaux sociaux à se réunir à 12H00 (09H00 GMT) devant le siège du journal à Istanbul, où se trouvaient déjà plusieurs dizaines de personnes, dont de nombreux élus de l'opposition.
- 'Purge sans limites' -
Cumhuriyet, dernier grand quotidien d'opposition turc, a adopté sous la houlette de Can Dündar, prédécesseur de M. Sabuncu, une ligne dure face au président Erdogan, multipliant les enquêtes embarrassantes pour le pouvoir.
A son actif, notamment, la publication de l'un des plus gros coups journalistiques de ces dernières années en Turquie : une enquête affirmant, vidéo à l'appui, que les services secrets turcs ont fourni des armes à des rebelles islamistes en Syrie.
"Il prennent d'assaut la dernière forteresse", a réagi sur Twitter M. Dündar, qui fait l'objet d'un procès pour "révélation de secrets d'Etat" et vit aujourd'hui en Allemagne, où il s'est réfugié après le putsch avorté.
A la une de son édition de lundi, Cumhuriyet dénonce un "Coup contre l'opposition" en référence à la parution de deux décrets samedi annonçant la fermeture de plusieurs médias prokurdes et la suppression des élections de recteurs d'universités, qui seront désormais choisis par M. Erdogan
"C'est une opération politique, pas une opération judiciaire", a dénoncé Mahmut Tanal, député du Parti républicain du peuple (CHP), principale formation de l'opposition.
Pour leur part, les autorités turques nient toute atteinte à la liberté de la presse en Turquie, affirmant que les seuls journalistes arrêtés sont ceux liés à des "organisations terroristes", expression désignant, dans ce contexte, le PKK et le réseau güléniste.
"Comment expliquer ce qu'il se passe au monde ? Aujourd'hui, on me place en garde à vue simplement parce que je dessine des caricatures", a déclaré Musa Kart, spécialiste des représentations peu flatteuses de M. Erdogan. "Je n'ai rien à cacher, tout ce que j'ai écrit, tout ce que j'ai dessiné, tout est public", a-t-il ajouté.
"C'est une purge sans limites", a réagi sur Twitter le directeur général de l'ONG Reporters Sans Frontières (RSF), Christophe Deloire.
Selon l'ONG turque de défense de la liberté de la presse P24, 127 journalistes, dont des vétérans comme Ahmet Altan et Nazli Ilicak, ont été mis en détention dans la foulée du coup d'Etat avorté et des dizaines de médias fermés.
La Turquie est 151e au classement mondial de la liberté de la presse dressé par l'ONG Reporters Sans Frontières en 2016, derrière le Tadjikistan et juste devant la République démocratique du Congo.
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