C'est à la fois cohérent et cruel: la place de Barack Obama dans les livres d'histoire sera toujours mesurée à l'aune des espoirs --démesurés-- que son élection, un soir de novembre 2008, avait suscités aux Etats-Unis et au-delà.
Le prix Nobel de la paix, qui lui fut décerné peu après son arrivée à la Maison Blanche, illustre le paradoxe. Le premier président noir des Etats-Unis fut récompensé, a priori, pour le souffle qu'il avait fait naître, là où nombre de "géants de l'histoire", selon ses termes, le furent pour leur "travaux".
Toujours le même sourire mais les tempes blanchies et le visage émacié après huit années au pouvoir, il quittera (le 20 janvier) le Bureau ovale fort d'une popularité au zénith, similaire à celle au même stade de Ronald Reagan et Bill Clinton.
Que restera-t-il, avec le recul, des deux mandats à la tête de la première puissance mondiale de ce président au parcours singulier, né d'un père Kényan ?
A l'heure du bilan, il peut revendiquer avoir surmonté une crise économique d'une violence inouïe, marqué une rupture avec les errances guerrières des années Bush, et engrangé de réels succès diplomatiques, dossier nucléaire iranien en tête.
Mais sa prudence -sa passivité tonnent ses détracteurs- face au chaos syrien, ses centaines de milliers de morts et ses millions de réfugiés, fait peser une ombre sur ses années au "1600 Pennsylvania Avenue".
Cruelle ironie pour celui qui vantait, avec un charisme indéniable, une Amérique rassemblée: il laisse derrière lui, et malgré lui, un pays traversé de profondes lignes de fractures.
Divisions politiques bien sûr, avec deux blocs, républicains et démocrates, qui ne savent plus dialoguer, aboutissant à des blocages caricaturaux au Congrès qui grippent le fonctionnement démocratique.
Divisions raciales aussi, qui sont remontées à la surface avec une vigueur insoupçonnée. Soucieux de ne jamais apparaître comme le président des Noirs, Barack Obama n'était paradoxalement et en dépit des espoirs placés en lui par la communauté afro-américaine, peut-être pas le mieux placé pour faire bouger les lignes en la matière.
- Professeur de droit -
Pour ce relatif novice en politique qui promettait dans une campagne menée au rythme de "Yes we can" de "transformer fondamentalement les Etats-Unis", l'apprentissage du pouvoir fut rude.
Arrivé aux affaires à l'âge de 47 ans (un de plus que Bill Clinton, quatre que John F. Kennedy), il admet volontiers avoir sous-estimé les pesanteurs de Washington. Et n'a pu que déplorer le tir de barrage systématique que les républicains du Congrès ont opposé à la quasi-totalité de ses initiatives législatives.
Il fait passer, dans la douleur, un plan de relance de 800 milliards de dollars. Puis fait voter, à l'issue d'une bataille parlementaire homérique, une réforme historique du système d'assurance maladie, surnommée "Obamacare", sur laquelle tous ses prédécesseurs s'étaient cassé les dents.
La mort du chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden, tué le 2 mai 2011 dans un raid américain au Pakistan, restera comme un moment fort de sa présidence.
Soigneusement préparé dans le plus grand secret, le rapprochement avec Cuba après un demi-siècle de tensions stériles héritées de la Guerre froide, figurera aussi à l'actif du 44e président des Etats-Unis.
Sur certains dossiers, comme sur le climat, ce spécialiste de droit constitutionnel a appris, su s'adapter et faire preuve de souplesse.
De l'immense déception du sommet de Copenhague en décembre 2009, il retient une évidence: rien ne se fera sans un axe commun Washington/Pékin. C'est sur ce dernier que se construira largement le succès de l'accord de Paris fin 2015.
- Une forme de classe, d'élégance -
Sur d'autres, du conflit israélo-palestinien à la prison de Guantanamo, il a clairement échoué.
Deux jours après son arrivée au pouvoir, il signe un décret visant à fermer la prison installée à Cuba sous un an. Huit ans plus tard, le camp de sinistre réputation, symbole des dérives extrajudiciaires des années Bush, compte moins de détenus, mais est toujours là.
Parfois aussi, le président de la première puissance mondiale a été réduit à constater son impuissance, comme sur les armes à feu.
Newtown, Charleston, Orlando, Dallas: massacre après massacre, il ne peut qu'exprimer son désarroi. "Cela n'a aucun sens!", lâche-t-il, déplorant que la séquence fusillade-indignation-statu quo législatif soit devenue une "routine" de la société américaine.
Si son côté "professeur de droit" agace parfois, son calme dans la tempête force le respect. De Berlin à Selma (Alabama) ses discours ciselés, auxquels il attache un soin particulier, marquent les esprits.
Reste aussi un style, une forme de classe et d'élégance dans l'exercice du pouvoir que même ses adversaires lui reconnaissent et qui aura contribué à faire évoluer l'image des Etats-Unis à travers le monde.
A l'heure où les Américains doivent choisir entre le goût du secret et des zones grises d'Hillary Clinton, et les outrances ou les provocations de Donald Trump, la présidence Obama apparaît de ce point de vue, dans un contraste saisissant, comme une référence.
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