Ils ne sont que quelques dizaines dans la cathédrale aux colonnes encore noires de suie, mais pour la première fois après deux ans d'occupation jihadiste, ils ont célébré la messe à Qaraqosh, qui fut la plus grande ville chrétienne d'Irak.
"Après deux ans et trois mois d'exil, je reviens enfin célébrer l'Eucharistie dans la cathédrale de l'Immaculée Conception que l'Etat islamique a voulu détruire. Mais dans mon coeur, elle a toujours été là", assure avec calme Monseigneur Petros Mouché, archevêque syriaque catholique de Mossoul et de Qaraqosh, entouré de quatre prêtres.
La cité aux "dix églises", située dans le nord de l'Irak, vient tout juste d'être libérée du groupe Etat islamique (EI) qui s'en était emparée en août 2014 forçant des dizaines de milliers d'habitants chrétiens à fuir.
"Nous n'avions pas d'autre choix que de nous convertir ou d'être réduit en esclavage. Nous avons fui, pour préserver notre foi. Maintenant, nous allons avoir besoin d'une protection internationale", juge le père Majeed Hazem.
Devant un autel improvisé, face à une assistance principalement constituée de miliciens chrétiens de la Force de la plaine de Ninive (NPF), l'archevêque, vêtu d'une chasuble et une étole étincelantes, célèbre la messe en arabe et en araméen, la langue utilisée au quotidien par les chrétiens de la région.
- 'Malgré tout, nous sommes là' -
"Je ne peux pas vous décrire ce que je ressens. Ici, c'est ma terre, mon église", proclame Samer Kham Shabaoun, un milicien chrétien qui a combattu à Qaraqosh.
"Ils (les jihadistes de l'EI) ont tout utilisé contre nous: ils nous ont tiré dessus, ils ont envoyé des voitures piégées, des kamikazes. Mais malgré tout cela, nous sommes là".
Peu avant la messe, les soldats ont eu la surprise de découvrir dans une maison deux vieilles femmes, dont l'une quasi-grabataire. "Nous sommes restées tout le temps de l'occupation par le groupe Etat islamique, depuis le premier jour. Parfois, ils nous apportaient à manger", raconte brièvement l'une d'elle.
La cathédrale porte encore les stigmates de l'incendie allumé par les jihadistes juste avant leur repli avec des colonnes de marbre et le plafond noircis par la suie. Le clocher a été détruit, les statues décapitées et des missels gisent épars sur le sol.
Une nouvelle croix en bois a toutefois déjà été dressée sur le toit. Sur le maître autel, une icône vient d'être posée et des miliciens arborant une croix ou un chapelet sur leur treillis viennent s'y recueillir en allumant quelques bougies.
- 'Noël à Mossoul' -
"Cette église est un symbole tellement fort que si nous ne l'avions pas trouvée telle qu'elle est, endommagée mais toujours debout, je ne suis pas sûr que les habitants auraient eu envie de venir. Mais le fait qu'elle soit encore là nous donne espoir en l'avenir", affirme Mgr Mouché, dont le regard clair et perçant enregistre sans ciller l'étendue des destructions.
Les habitants, 50.000 en 2014, ne pourront probablement pas revenir habiter Qaraqosh avant des mois, le temps de déminer et de nettoyer la ville.
Au séminaire, la bibliothèque a brûlé et les cendres sont encore tièdes. "Cela date de quelques jours à peine, les jihadistes l'ont incendié quand les soldats ont commencé à entrer dans la ville", explique l'archevêque.
Qaraqosh a fait l'objet de rudes combats dont témoignent les carcasses calcinées d'un véhicule "Humvee" et d'une camionnette au blindage artisanal, du type de celles utilisées comme voitures suicides par les jihadistes. A l'occasion, un tir résonne au loin. Mais les forces irakiennes ont fini par reconquérir Qaraqosh.
Dans plusieurs des églises visitées dimanche, l'archevêque prononce des formules rituelles pour purifier les édifices, croix en main, à grand renfort d'encens.
Certains bâtiments religieux ont été incendiés, d'autres sont presque intacts.
La cour arrière de la cathédrale, aux allures de cloître, a été utilisée comme champ de tir par les jihadistes: des douilles jonchent le sol, les piliers sont criblés d'impacts et un panneau abandonné détaille même le fonctionnement d'un fusil d'assaut Kalachnikov.
Après presque trois semaines, l'offensive des forces irakiennes sur Mossoul, où les extrémistes de l'EI avaient proclamé leur "califat", n'a pas encore atteint les limites mêmes de la deuxième ville d'Irak. Mais Mgr Mouché reste optimiste: "J'espère célébrer la messe de Noël dans la cathédrale de Mossoul".
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