L'Islande est entrée dimanche dans une phase d'intenses marchandages politiques au lendemain de législatives anticipées qui n'ont pas dessiné de majorité, malgré la poussée du parti contestataire des Pirates face à la droite gouvernementale.
Le Premier ministre Sigurdur Johannsson, dont le Parti du progrès (centre droit) a réalisé son plus mauvais score depuis un siècle, a remis sa démission au président de la République Gudni Johannesson dans l'après-midi.
Conformément à la Constitution, lui et son cabinet expédieront les affaires courantes jusqu'à la nomination d'un nouveau gouvernement.
Parvenir à former une coalition majoritaire alors que la représentation parlementaire n'a jamais été aussi dispersée, avec sept partis représentés, "sera une tâche compliquée", a déclaré M. Johannsson aux journalistes à l'issue de son entrevue avec le chef de l'Etat.
Le président recevra lundi chacun à leur tour tous les chefs de partis. La tradition veut qu'il confie d'abord au chef de file du parti arrivé en tête le soin de chercher des partenaires de coalition. En l'occurrence, le président du Parti de l'indépendance (conservateur), Bjarni Benediktsson, ministre des Finances dans le gouvernement sortant.
M. Benediktsson compte parmi les 600 Islandais dont le nom apparaît sur les listes des Panama Papers, ces documents dévoilés en avril qui recensent des milliers de détenteurs de comptes offshore dans le monde.
Le Premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson (Parti du progrès), avait démissionné en avril après sa mise en cause dans ce scandale. Le gouvernement s'était maintenu au prix d'une promesse de convoquer des élections six mois avant la fin de la mandature au printemps 2017.
Petite île de l'Atlantique nord émergeant du marasme grâce à son tourisme florissant, l'Islande apparaît divisée entre une frange de la population avant tout soucieuse de stabilité et d'indépendance, et une autre aspirant à tourner la page de la crise financière de 2008 et des "affaires".
Attelage hétéroclite de hackers, militants écolos et libertaires créé en 2012, le Parti pirate, qui promeut plus de démocratie directe et de transparence dans la vie politique, incarnait pour beaucoup cet espoir de renouveau.
Mais alors qu'ils culminaient à plus de 40% d'intentions de vote dans les sondages il y a six mois, l'élection législative à un tour s'est révélée un succès en demi-teinte pour les "Piratar" qui avaient juré "d'écrire l'Histoire".
- 'Robin des bois' -
Avec neuf élus à l'Althingi, le Parlement monocaméral, ils triplent leur score de 2013 et deviennent la deuxième formation politique du pays, à parité avec le mouvement Gauche-Verts. Mais le parti ne fait pas le plein de voix et risque de rester aux portes du pouvoir.
"Ce qu'on pouvait supposer s'est produit: les jeunes électeurs ne se sont pas déplacés" alors qu'ils constituent le coeur de cible des Pirates, analyse le politologue Gretar Eytorsson.
Birgitta Jonsdottir, la capitaine des Pirates, s'est dite "ravie" par le score du parti dimanche lors d'une conférence de presse. Les Pirates, "Robins des bois du pouvoir", sont "ouverts au compromis" pour entrer dans un exécutif arc-en-ciel, a-t-elle assuré.
"Les différentes configurations de coalition sont nombreuses. Il reste beaucoup de travail", a pour sa part twitté Smari McCarthy, l'émincence grise des Pirates.
A noter, que contrairement à de nombreux pays d'Europe continentale, l'Islande n'enregistre pas de poussée radicale à droite.
La coalition sortante de centre-droit, elle, perd la majorité absolue obtenue en 2013, en raison du l'effondrement du Parti du progrès, notamment miné par des conflits internes.
Le Premier ministre a défendu le bilan de sa majorité dimanche à la télévision en affirmant avoir contribué à "réduire l'endettement des ménages" après la crise financière de 2008 et éloigner les créanciers des banques islandaises mises en faillite.
Son partenaire gouvernemental, le Parti de l'indépendance, progresse en revanche et redevient le premier parti islandais, en dépit de l'implication de deux de ses ministres dans les Panama Papers.
Ses électeurs historiques -- investisseurs, patrons-pêcheurs, seniors et eurosceptiques -- craignaient par-dessus tout de voir les Pirates hisser leur drapeau floqué d'une morue salée sur le toit du Parlement.
Les Pirates n'ont de cesse de dénoncer les "affaires" des partis de centre droit qui gouvernent quasiment sans interruption depuis 1944, et ont fermé la porte à une coalition dirigée par le Parti de l'Indépendance.
"Le Parti de l'indépendance est récompensé pour sa participation à la corruption", a ironisé Smari McCarthy.
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