Improbable casting de hackers, militants écolos ou libertaires, les Pirates islandais ont réalisé samedi une percée historique lors de législatives anticipées qui sanctionnent la droite sortante au mandat entaché de corruption et d'évasion fiscale, selon les premières estimations de la télévision publique RUV.
Les sondages avaient prédit une forte poussée des "Piratar" à l'issue de ce scrutin à un tour convoqué avant la fin de la mandature du fait de la démission du Premier ministre Sigmundur David Gunnlaugsson (Parti du progrès), seul chef de gouvernement au monde victime des Panama Papers.
Avec 15,5% des suffrages, le parti Pirate passe de trois à 12 députés sur les 63 siégeant à l'Althingi, le Parlement monocaméral de la République islandaise, devenant ainsi la deuxième formation politique de cette île de l'Atlantique Nord ancrée à droite depuis l'indépendance en 1944, selon ces estimations.
L'annonce de résultats partiels après la clôture des bureaux de vote à 22H00 (22H00 GMT) a été accueillie par les applaudissements des militants "pirates" réunis dans une brasserie envahie par les touristes et la presse étrangère, selon une journaliste de l'AFP sur place.
"Nous sommes très satisfaits", a réagi la "capitaine" des Pirates, Birgitta Jonsdottir.
Les Pirates et les trois partis de centre-gauche qui ont scellé un accord pré-électoral de gouvernement recueillent ensemble 32 sièges sur 63, dont 11 pour le mouvement Gauche-Verts, 5 pour les sociaux-démocrates et 4 pour Avenir radieux (centre).
Le Parti de l'indépendance (conservateur), arrivé en tête avec 19 sièges, et le Parti du progrès (centre-droit), 6 sièges, qui gouvernaient depuis 2013 ne rassemblent ensemble que 25 sièges.
A la télévision, le Premier ministre Sigurdur Johannsson, président du Parti du progrès, s'est dit "un peu déçu" à mesure que lui parvenaient les résultats des six circonscriptions législatives, ajoutant néanmoins qu'il était "trop tôt" pour tirer les conséquences du vote.
Traditionnellement, le président de la République confie au dirigeant du premier parti le soin de négocier une coalition mais même si l'on prend en compte les mandats du parti Résurrection, considéré comme un possible faiseur de rois, les deux partenaires de la coalition sortante ne totalisent que 31 sièges, selon ces estimations.
- Congédier l'establishment -
Si l'Islande n'enregistre pas de montée de l'extrême droite, elle semblait mûre pour congédier "l'establishment" au bénéfice de formations issues de la société civile, sur le modèle de Podemos en Espagne ou de Syriza en Grèce.
Minées par la crise financière de 2008, les deux composantes de l'exécutif sortant -- Parti du progrès (centre) et Parti de l'indépendance (conservateurs) -- se retrouvent sous une pluie de cendres après l'éruption des Panama Papers.
Parmi les noms des 600 Islandais détenteurs de comptes offshore -- un record mondial rapporté aux 332.000 habitants -- figurent ceux de deux ministres en plus du chef du gouvernement. Ce dernier avait démissionné mais le cabinet s'était maintenu, à peine remanié, promettant des élections à l'automne six mois avant l'échéance régulière.
Les "Panama" ont aussi emporté le président Olafur Ragnar Grimsson qui a renoncé à briguer un sixième mandat, le nom de son épouse apparaissant sur les listes. Gudni Johannesson, un universitaire au casier politique vierge, lui a succédé.
Créé en 2012, le parti Pirate, dont l'emblème est un pavillon marin floqué d'une morue salée et le quartier général un bateau ancré dans le port de Reykjavik, entend revigorer la démocratie, redistribuer le revenu des ressources naturelles, refinancer la santé et lutter contre la corruption.
Dans les grandes lignes, ses alliés potentiels sont sur la même longueur d'onde, à l'exception des sensibles quotas de pêche que les Pirates jugent trop favorables aux armateurs les plus puissants mais qui, selon leurs promoteurs, permettent à l'Islande de rester concurrentielle.
Sociaux-démocrates et Avenir radieux sont par ailleurs pour l'adhésion à l'Union européenne alors que les Pirates et le mouvement Gauche-Verts ne préconisent un référendum que pour obtenir un non - mais un non démocratique.
Enfin, et surtout, les partis devront s'accorder sur le nom du futur Premier ministre: Birgitta Jonsdottir s'installerait au perchoir du parlement, laissant le gouvernement à l'Islando-Irlandais Smari McCarthy, éminence grise du parti. Un poste pour lequel est aussi pressentie la leader des Gauche-Verts Katrin Jakobsdottir, personnalité politique la plus populaire de l'île.
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