Après les Harkis et les Arméniens, François Hollande a poursuivi samedi le travail de mémoire entamé depuis le début de son quinquennat, en reconnaissant la responsabilité de la France dans l'internement de milliers de Tsiganes durant la Seconde Guerre mondiale.
Cette visite sur le site de l'ancien camp d'internement de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), classé aux Monuments historiques depuis 2012, était la première d'un président français depuis l'internement des Tsiganes et des gens du voyage par le régime de Vichy et jusqu'en 1946.
"La République reconnaît la souffrance des nomades qui ont été internés et admet que sa responsabilité est grande dans ce drame", a déclaré le locataire de l'Elysée, lors d'une cérémonie d'hommage national où étaient présents plusieurs survivants. "Un pays, le nôtre, est toujours plus grand lorsqu'il reconnaît son histoire", a-t-il ajouté devant plus de 500 invités, dont de nombreux descendants d'internés.
Soixante-dix ans après la libération des derniers Tsiganes internés en France, leurs descendants et les associations attendaient avec émotion une reconnaissance officielle de leurs souffrances.
"C'était important pour nous d'avoir cette reconnaissance. Ca représente des milliers et des milliers de familles itinérantes", a salué, remué, Fernand Delage, qui préside l'association France Liberté Voyage. "C'est tard, mais mieux vaut tard que jamais."
"Il était temps et j'espère que les jeunes à venir dans le monde entier n'auront pas à vivre ça, ni à voir ça", a déclaré André José Fernandez, l'un des rescapés de ce camp.
"Ca fait mal, ça fait très mal de revenir ici, surtout qu'avec nos parents, j'avais cinq petits frères, et moi la plus vieille… puis j'ai perdu ma mère qui s'est évadée, on a fait ce qu'on a pu, mais on était très malheureux", a témoigné Henriette Deschelotte, une autre survivante.
- 'Une méfiance nourrie de peurs ancestrales' -
Quant aux proches de Sandrine Renaire, présidente de l'association Les Amis du camp tsigane de Montreuil-Bellay (AMCT), créée en 2005 pour préserver ce site, ils "ne sont jamais partis de Saumur, de peur d'être repris sur les routes et d'être enfermés. Etre privés de liberté, c'est la pire chose qui pouvait leur arriver."
"Pratiquement toutes les familles de gens du voyage ont au moins un membre qui est passé par Montreuil-Bellay", a souligné François Hollande, après s'être rendu auprès de l'oeuvre commémorative "Instant nomade" de l'artiste-céramiste Armelle Benoît, un portique de huit colonnes sur lesquelles ont été gravés les patronymes de 473 familles internées.
Le président a également évoqué la discussion en cours au Parlement du projet de loi Egalité et citoyenneté, émettant l'espoir que la législation d'exception qui, depuis 1969, impose aux gens du voyage de détenir un livret de circulation, soit bientôt abolie.
Le député socialiste de Loire-Atlantique et président de la commission nationale consultative des gens du voyage Dominique Raimbourg "a proposé l'abrogation" de cette loi, a rappelé le chef de l'Etat. "Il en sera, je l'espère, décidé par le Parlement, pour que les gens du voyage n'aient plus ce livret de circulation à produire, pour qu'ils soient des citoyens comme les autres."
Dès 1912, dans le but de les sédentariser, les autorités françaises avaient imposé aux "nomades" un carnet anthropométrique d'identité. Puis le 6 avril 1940, un décret les avait assignés à résidence pendant toute la durée de la guerre. "Officiellement au nom des exigences de guerre", ce décret avait été pris "avant tout à cause d'une méfiance nourrie de peurs ancestrales, de préjugés et d'ignorance", a dénoncé François Hollande.
Montreuil-Bellay était le plus grand des 31 camps gérés par les autorités françaises jusqu'en 1946, dans lesquels furent internés entre 6.000 et 6.500 nomades.
Plus de 2.000 nomades, des Tsiganes mais aussi des sans domicile fixe de Nantes, y furent internés de novembre 1941 à janvier 1945. Une centaine périrent.
L'Etat avait franchi un premier pas vers la reconnaissance de la participation de la France dans cet internement familial en juillet 2010, par la voix de l'ancien secrétaire aux Anciens combattants Hubert Falco, en l'évoquant lors d'une "Journée nationale de la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français".
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