Mariage civil, parrainage civil, et pourquoi pas obsèques laïques? Depuis treize ans, une association milite en Haute-Vienne pour donner la possibilité aux familles d'organiser des funérailles laïques, cérémonies qui garantiraient aussi l'égalité des citoyens face à la mort.
"On a coutume de dire qu'on reconnaît le degré de civilisation d'une société à la façon dont elle traite ses aînés. J'ajouterais: ainsi que ses morts", résume le Dr Philippe Grimaud, fondateur de l'Association laïque pour l'organisation de cérémonies civiles (Alorcci).
Médecin urgentiste depuis 17 ans, il dit avoir pris conscience dans son travail du rapport ambigu que les sociétés occidentales entretiennent avec la mort: "Mon métier m'amène à côtoyer la mort, j'ai assisté à nombre d'obsèques et j'ai constaté que les proches refusent souvent de s'y confronter". "La société a permis cela, en proposant toutes sortes de lieux où l'on repousse nos vieux, comme si elle ne voulait pas voir ce qui se produit passé un certain âge", explique-t-il. Dans un pays déchristianisé, le praticien assure que les funérailles sont pourtant "pour les vivants le passage nécessaire vers un deuil réussi".
Le Dr Grimaud rappelle que, dès le XVIIIe siècle, le législateur avait prévu des obsèques civiles. Mais "ce qu'il a prévu, il ne l'a pas organisé", constate-t-il. Résultat? Des "cérémonies bâclées, quand les funérailles sont dans quasiment toutes les sociétés humaines le moment nécessaire de la mort symbolique du proche".
Un traumatisme que le médecin a observé auprès des proches de patients décédés, mais qu'il a aussi expérimenté personnellement à la mort d'un grand-père athée: "Rien n'était prévu, ni hommage, ni poème. Pas de musique et des proches trop stupéfaits pour prendre la parole. L'absence de salle pour prendre le temps nécessaire pour dire au revoir m'a laissé un goût d'inachevé", confie-t-il.
Outre la question des opinions religieuses, l'association soulève le problème de l'égalité face à la mort: "Les obsèques coûtent cher. Quid des gens modestes, des sans-famille?", s'interroge sa présidente, Laurence Pouyaud. Pour elle, "le risque est celui d'une marchandisation de la mort, si la République ne répare pas ses oublis".
- Hausse de 30% des demandes -
Pour cela, l'Alorcci a mis au point plusieurs outils. Elle propose sur son site en ligne des rituels républicains gratuits, avec des mots et hommages que les familles peuvent adapter à leur besoin, un gisement de chansons et de poèmes de circonstance. Une boîte à outils pour soulager les proches, pour qu'ils s'approprient le deuil et se responsabilisent face à la mort. "Cette boîte à outils n'a pas vocation à concurrencer l'offre des religions qui savent organiser les moments forts de la vie, mais de permettre à chacun de vivre ces moments en cohérence avec ses convictions intimes", souligne le Dr Grimaud.
Parallèlement, l'association fait connaître son action auprès des mairies et des pompes funèbres. Après la signature d'une convention, les mairies partenaires s'engagent à mettre à disposition une salle pour l'organisation de funérailles civiles ainsi que le matériel nécessaire.
Les pompes funèbres, elles, s'engagent à se familiariser avec les rituels républicains proposés par Alorcci. D'autant que les professionnels ont constaté "une augmentation de 30% des demandes de funérailles civiles" ces deux dernières années, souligne Laurence Pouyaud.
Une tendance appelée à s'amplifier: d'ici 2050, la France sera parmi les pays comptant le plus d'athées, près de 44%, selon le centre de recherches américain Pew Research Center (PRC), spécialisé dans les statistiques religieuses mondiales.
Mais les obstacles sont loin d'être tous levés: "La mort est un sujet qui dérange", reconnaît Laurence Pouyaud. "Les élus sont parfois réticents à l'idée de choquer leurs administrés".
L'Alorcci demande donc au législateur d'agir. Ainsi, une députée de Haute-Vienne, Catherine Beaubatie (PS), compte déposer à l'automne une proposition de loi demandant aux communes la mise à disposition pour les citoyens des moyens nécessaires à l'organisation de funérailles civiles.
Comme c'est le cas pour les mariages et parrainages civils.
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