Après deux semaines de psychodrame et de négociations marathon, l'ensemble des parlements belges ont approuvé vendredi l'accord de libre-échange UE-Canada (CETA), ce qui devrait ouvrir la voie à la signature prochaine du traité.
Au terme d'un débat de quatre heures devant le Parlement de Wallonie à Namur, capitale de la région francophone du sud de la Belgique, les députés régionaux ont donné leur feu vert au gouvernement fédéral belge, par 58 voix contre 5, pour parapher le CETA.
Dans le détail, et sans surprise après l'accord entre les parties belges intervenu la veille, les élus wallons ont donné mandat au chef du gouvernement régional, le socialiste Paul Magnette, pour autoriser la Belgique à apposer sa signature aux côtés de celles des 27 autres Etats membres de l'UE et du Canada.
Paul Magnette avait fini par se rallier jeudi à l'accord, négocié pendant sept ans par la Commission européenne et Ottawa, après avoir bataillé âprement et arraché des autres composantes de l'Etat fédéral belge une "déclaration du Royaume de Belgique" qui, selon lui, renforce la protection du modèle social et environnemental européen.
"Le CETA amendé, le CETA corrigé, est plus juste que l'ancien CETA, il offre plus de garanties que l'ancien CETA, et c'est celui-là que je défends devant vous", avait-il plaidé.
- 'Le TTIP est mort' -
Dans son discours, M. Magnette a aussi prévenu que la Wallonie n'accepterait jamais un traité n'offrant pas les mêmes garanties que celui qui liera désormais l'UE et le Canada.
"D'ores et déjà, on peut en tirer la leçon: avec le CETA amélioré, le TTIP est mort et enterré", a-t-il lancé aux députés, en référence à l'autre accord de libre échange transatlantique, impopulaire et bien plus controversé, que l'UE négocie sans progresser avec les Etats-Unis.
Dans la foulée de la Wallonie, le parlement de la région de Bruxelles-Capitale et celui de la Communauté linguistique française (Fédération Wallonie-Bruxelles) ont eux aussi donné leur feu vert au CETA, ce qui clos le processus côté belge.
Le traité aurait dû être approuvé jeudi à Bruxelles en présence du Premier ministre canadien, Justin Trudeau, mais ce sommet avait été ajourné à la dernière minute.
Disposant des mêmes pouvoirs qu'un Parlement national, l'assemblée wallonne n'avait pas manqué de faire part depuis des mois de ses réserves, qui concernaient notamment le secteur agricole et l'instauration de juridictions ad hoc pour régler les différends entre les multinationales et les Etats.
Réserves dont le gouvernement fédéral du Premier ministre libéral Charles Michel, les institutions européennes et le Canada n'avaient pas réellement pris la mesure avant début octobre.
Malgré d'intenses pressions, les Wallons ont tenu à exercer leur plein pouvoir, menaçant de plonger dans une nouvelle crise l'Union européenne, déjà affaiblie par le Brexit, la crise des migrants et la montée des populismes.
Le gouvernement wallon a aussi obtenu que la Belgique demande à la Cour de justice de l'UE un avis sur la conformité du mécanisme d'arbitrage (ICS) que le CETA instaurerait en cas de conflit entre un investisseur et un Etat, mais qui ne serait mis en oeuvre qu'une fois le traité ratifié par l'ensemble des parlements européens.
- Prudence d'Ottawa -
La position belge a déjà reçu un feu vert préliminaire des ambassadeurs européens auprès de l'UE. Chacune des 27 capitales est désormais invitée à formaliser leur agrément par écrit d'ici à vendredi soir "minuit".
Même si le Premier ministre fédéral Charles Michel, rival politique de Paul Magnette, affirme que ces tractations n'ont pas "changé une virgule" au CETA, le dirigeant wallon s'est targué d'avoir "amendé" le traité sur plusieurs points.
Il a en particulier salué la création d'un "instrument interprétatif juridiquement contraignant" pour clarifier le contenu du texte, notamment en matière de droit du travail et d'environnement.
Il a également estimé avoir obtenu des "clarifications essentielles" en matière de "sauvegarde agricole" ou de "protection des services publics".
Le Canada s'est réjoui dès jeudi du ralliement des Belges, tout en restant prudent. "Il y a d'autres étapes avant la signature", mais "le Canada est prêt à signer l'accord lorsque l'Europe sera prête", a déclaré à Ottawa la ministre du Commerce international, Chrystia Freeland.
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