Les Chinois sont très fiers de l'armée souterraine de leur premier empereur. Alors, quand un universitaire occidental vient prétendre que ces sculptures ont pu être influencées par la statuaire grecque, le sang des fils du dragon ne fait qu'un tour.
Les 8.000 guerriers en terre cuite mis au jour à Xian, dans le nord de la Chine, à partir de 1974, sont les gardiens de la tombe du premier empereur Qin, mort en 210 avant notre ère après avoir unifié le pays.
Des centaines de milliers de touristes visitent chaque année ce site inscrit au patrimoine de l'Unesco. Les Chinois y voient avant tout l'un des symboles de leur civilisation millénaire, au même titre que l'invention de la poudre ou du papier.
Autant dire que la théorie de Lukas Nickel ne passe pas inaperçue en deçà de la Grande muraille. Selon ce spécialiste de l'histoire de l'art de l'Université de Vienne, les sculptures de Xian ont pu être influencées par des innovations venues de Grèce, notamment le naturalisme de la statuaire. L'expert imagine même que des artisans venus d'Europe ont pu participer à la fabrication des statues pour le compte de l'empereur de Chine.
"Et si c'étaient plutôt les Chinois qui étaient allés chez les Grecs pour influencer leurs sculptures ?", suggère un internaute après la diffusion d'un documentaire de la BBC sur la thèse du professeur Nickel.
A Xian, depuis les plateformes qui permettent d'admirer l'armée sortie de terre, les visiteurs sont tout aussi incrédules. "Impossible", tranche Dong Shenghua, un Pékinois qui souligne les traits orientaux des guerriers moustachus et le talent des artistes qui ont dessiné les statues. "Nous avons 5.000 ans d'histoire, l'Angleterre ne peut pas en dire autant", lance-t-il à l'intention de la BBC.
Zhang Weixing, le chef des services archéologiques du musée, est tout aussi catégorique: les matériaux comme la technique utilisés pour fabriquer les statues sont authentiquement chinois: "Rien ne permet d'affirmer qu'il y ait un lien avec la Grèce antique. Cela n'existe que dans l'esprit" du professeur viennois.
- Souvenir du colonialisme -
Qin Shihuang, le premier empereur, n'avait pas besoin des Grecs pour inventer quelque chose: "outre les guerriers de Xian, il a aussi multiplié les innovations", dont la standardisation des poids et mesures et l'écartement des roues des chars, un réseau routier, une monnaie unique, la consolidation de la Grande muraille..., souligne M. Zhang.
"Il est difficile de dire qui a influencé qui. La sculpture grecque a été influencée par l'Egypte", relève-t-il.
Lukas Nickel comprend que sa théorie puisse choquer en Chine, car l'empereur Qin est à l'origine d'un Etat-nation qui lui survit encore plus de deux mille ans plus tard.
La première dynastie, "c'est le moment où la Chine est en train de se construire", déclare-t-il à l'AFP. "Dire qu'il y a un lien avec l'Occident, cela ne peut que réveiller les mauvais souvenirs du colonialisme, ce qui est parfaitement compréhensible", reconnaît-il.
Mais le responsable du musée de Xian assure que le différend n'a rien de politique et que ce qu'il conteste avant tout c'est la rigueur scientifique du spécialiste viennois de l'histoire de l'art. "S'il était archéologue, nous pourrions discuter. Les archéologues attachent plus d'importance aux documents historiques et aux objets sortis de terre", observe M. Zhang.
Li Xiuzhen, l'une de ses collègues, chercheuse au musée de l'armée d'outre-tombe, veut bien admettre qu'il y ait pu y avoir des contacts entre les civilisations grecque et chinoise mais cela ne veut pas dire pour autant que l'une ait influencé l'autre.
"L'armée souterraine est unique au monde, elle est la création du peuple de la dynastie Qin", tranche-t-elle.
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