L'oeil aiguisé, Jocelyn détaille la vitrine d'un commerce de centre-ville de Rouen (Seine-Maritime). "Là vous voyez, il faudrait casser la marche pour mettre une rampe et refaire complètement la façade pour agrandir la porte. Mais le bâtiment est sûrement classé, a priori ce n'est pas possible".
1 500 euros d'amende pour les hors-la-loi
Chaque jour, il arpente les rues et toque à la porte des commerces pour les informer de leurs obligations en terme de mise aux normes accessibilité. Car depuis septembre 2015, les établissements qui ne sont pas en règle sont passibles de 1 500 euros d'amende.
Lors des contrôles, les commerçants doivent donc montrer pattes blanches grâce à un "diagnostic handicap accessibilité", déposé à la mairie. "On a fait le calcul, raconte Stéphanie Magnier, coiffeuse qui a confié son dossier à l'association de Jocelyn, Adapté. Faire faire le diagnostic nous coûte 700 euros, presque deux fois moins que l'amende".
Pour réduire l'addition, elle a tenté de le remplir elle-même mais "on n'a jamais eu d'informations, il faut télécharger le formulaire - un pavé - sur Internet et fournir des justificatifs comme un plan à l'échelle". Et pour la guider dans ce labyrinthe, elle a eu l'embarras du choix. "C'est un défilé dans le magasin, raconte-t-elle, il y a un vrai business derrière ça". Certains prestataires n'hésitent pas à réclamer plus de 1 200 euros pour leurs services.
Une majorité de dérogations
"Il faut comprendre qu'il ne s'agit pas d'une question de travaux à engager mais de dépôt de dossier" rassure Jocelyn. Dans les faits, la plupart des commerces qu'il traite obtiennent une dérogation. "C'est comme un contrôle technique pour une voiture, on fait un état des lieux et on adapte en fonction de la situation".
Souvent, les boutiques sont installées dans de vieux bâtiments qu'il est impossible de mettre aux normes. "La situation financière des commerçants est aussi prise en compte", précise-t-il.
"Un plus si je veux revendre"
Mais c'est avec plaisir qu'il retourne chez certains, comme M. Mangal, qui font le choix d'investir. Il aurait pu demander une dérogation, n'a pas reçu d'aide mais a rénové son nouveau restaurant en version 100 % accessible. "Je veux travailler dans un endroit le plus ouvert possible, que les clients voient que je n'ai rien à cacher, explique-t-il. Et si je veux revendre un jour, ça sera un plus."
Une loi floue
Pourtant, les portes se ferment régulièrement au nez de Jocelyn. "Ce n'est pas un métier facile", reconnait-il. Il sort d'une boutique où la patronne lui a fait comprendre que "payer quelqu'un pour constater que je ne peux rien faire, ça me tue !" La loi est floue sur le sujet, mais dans la pratique se sont les locataires - qui risquent également l'amende - qui paient le diagnostic de leur poche, et non les propriétaires.
"Mais cette loi porte un vrai enjeu de société, veut croire Jocelyn. Une fois en confiance, les commerçants sont bienveillants. Finalement, l'accueil est le coeur de leur métier et ils n'ont pas attendu la loi pour ouvrir leurs portes aux handicapés".
A LIRE AUSSI :
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.