Des voix se sont élevées pour affirmer que le vote des députés était inconstitutionnel et que les priorités des partis religieux, qui dominent le Parlement, sont hors-sujet à l'heure où le pays est absorbé par l'opération de reconquête de sa deuxième ville, Mossoul (nord), aux mains du groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Cette interdiction d'importer, de produire et de vendre de l'alcool a été subrepticement incorporée samedi soir dans un projet de loi sur les municipalités et a pris les adversaires de la mesure par surprise.
Si les restaurants et les hôtels en proposent rarement, la consommation d'alcool est relativement répandue en Irak, notamment à Bagdad où l'on trouve des boutiques spécialisées.
Dans le centre de la capitale, ces magasins sont actuellement fermés pour le mois sacré musulman de Mouharram mais leurs propriétaires ne décolèrent pas.
"C'est notre seul travail, nos familles vont perdre leurs revenus", explique Maytham, qui tient une échoppe vendant des bières étrangères et locales, du vin et des spiritueux dans le quartier de Karrada.
"On ne sait pas s'ils vous nous autoriser à rouvrir, comment ces familles vont-elles vivre ?", se demande-t-il, adossé à la porte fermée de sa boutique.
Le vote du Parlement a également déplu à des politiques irakiens, qui affirment que la loi viole une disposition constitutionnelle garantissant la liberté des minorités religieuses.
Les partisans de l'interdiction affirment qu'elle est justifiée par la Constitution irakienne qui interdit, selon eux, toute mesure contraire aux préceptes de l'islam.
Pour Haidar al-Mullah, homme politique membre de l'alliance Al-Arabiya, l'interdiction de l'alcool "est une victoire pour l'idéologie de Daech", un acronyme en arabe de l'EI.
"A l'heure où tous les efforts du peuple irakien sont concentrés sur la lutte contre les terroristes de Daech, une coterie de politiciens islamistes au Parlement leur offre un succès", dit-il à l'AFP. "Ils suppriment les autres croyances, violent la liberté des autres communautés et tournent le dos à la Constitution".
- Marché noir -
Le député chrétien Yonadam Kanna s'est dit furieux du vote du Parlement et l'a publiquement condamné à la télévision irakienne. Il a promis de contester cette loi devant la Cour fédérale.
Sur les réseaux sociaux, des Irakiens ne se privaient pas non plus de critiquer leurs représentants si préoccupés par la prohibition dans un Parlement accusé de corruption généralisée.
"Alors, boire n'est pas islamique mais voler oui?", ironisait ainsi un utilisateur de Facebook nommé Hammoudi Mohammed.
Un autre, Hussein al-Ameri, a rappelé au député qui s'est vanté d'être à l'origine de cette loi qu'il aurait mieux valu qu'il se consacre à éradiquer "le chômage, le terrorisme et la corruption".
Dans le quartier Batawine de Bagdad, un des plus anciens de la capitale mais aujourd'hui décrit comme un foyer pour le crime et la prostitution, Saad Amir avoue son incompréhension.
"Il vaut mieux boire que se droguer. On dirait que certains sont décidés à faire couler ce pays. Le Parlement devrait revoir sa décision", dit ce vendeur ambulant de produits alimentaires.
Le député Kanna estime lui aussi qu'une interdiction de l'alcool risque de faire progresser la consommation de drogue, qui pose notamment des problèmes croissants à Bassora, une ville du sud où l'alcool est plus difficile à trouver qu'à Bagdad.
Pour une autre députée, Maysoun al-Damaluji, il s'agit tout simplement d'une "faillite".
"Non seulement cette loi a été adoptée sans un comptage en bonne et due forme des voix, par le biais d'un article introduit en catimini dans un texte sur un autre sujet mais les seules personnes à qui elle profitera sont celles qui contrôlent le marché noir !", s'exclame-t-elle
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.