"Nous avons mené 600 entretiens au total, et cette semaine 194 mineurs auront quitté Calais pour la Grande Bretagne", explique Pierre Henry, le directeur général de France terre d'asile (FTDA) mandaté par le gouvernement français.
L'enjeu est de traiter le maximum de dossiers, parmi les 1.300 mineurs recensés par l'association sur le campement, dont 500 ayant des liens au Royaume-Uni. Et de convaincre Londres d'en prendre aussi le maximum.
Avec quel engagement côté britannique? "Un objectif de 600 transferts au moins a été donné", assure-t-on de source proche du dossier.
Sur ce sujet sensible, on se contente d'indiquer de source proche de l'Intérieur qu'"on aimerait aller bien au delà", alors que des négociations "très dures" ont été ouvertes avec Londres.
Jusque début octobre, seuls 70 transferts avaient été réalisés -- chacun se renvoyant la balle pour expliquer en coulisses ce bilan limité: les Britanniques accusés de traîner des pieds, les Français d'avoir présenté trop peu de dossiers.
- Famille élargie -
La date du démantèlement approchant, il a fallu donner un coup d'accélérateur: une liste des mineurs a été présentée aux Britanniques, qui ont dépêché sur place 17 employés du Home office (l'Intérieur britannique) afin de mener des entretiens, avec une quinzaine de salariés de FTDA et le soutien du HCR.
Dans le conteneur bondé, des tables ornées d'écriteaux "arabic" ou encore "pachtou" accueillent les adolescents, invités à détailler leur identité et la famille élargie qu'ils ont en Grande-Bretagne -- jusqu'aux oncles et cousins, car "ils n'ont que très rarement un père ou une mère sur place", explique Pierre Henry.
"Je n'ai pas de famille, j'ai traversé l'Europe tout seul", raconte dans la file d'attente Maharawi, gracile Afghan de 17 ans, près de son camarade Anouar qui, lui, a un frère en Grande-Bretagne. "J'ai donné son numéro de téléphone, ils vont l'appeler, après j'espère partir".
Aux Britanniques en effet, qui ont accepté d'examiner les dossiers sur une base déclarative, de vérifier la minorité, le lien avec la famille et de procéder au transfert, avec une vision conciliante de la notion de famille pour pouvoir appliquer la procédure européenne dite de "Dublin" sur les demandes d'asile.
"Si on peut prendre tous les mineurs qui ont le droit sous la procédure Dublin, on le fera", assure-t-on de source diplomatique.
- Vulnérabilité -
Mais quid des enfants sans liens familiaux? C'est là que le dossier devient acrobatique.
Pour eux, une option serait de faire jouer un amendement de la législation britannique (dit "Dubs"), qui s'appuie sur l'intérêt supérieur de l'enfant pour justifier son transfert.
"C'est plus compliqué parce qu'il faut déterminer si l'enfant peut répondre aux critères du réfugié", explique-t-on de source diplomatique.
Et la marge d'appréciation est large. Qui est vulnérable? Les malades? les filles? Sur la centaine de mineurs qui ont quitté Calais samedi, 53 étaient des filles.
Côté français, on espère beaucoup de cette voie. "Il faut que les Britannique bougent sur Dubs", estime une source proche du dossier.
A l'approche du démantèlement, il faut aussi régler la question rapidement. Les mineurs resteront 15 jours dans les conteneurs de la "Jungle" avant leur transfert vers la Grande-Bretagne ou des centres d'accueil en France.
"S'il y a besoin de plus de personnes à Calais on les enverra", assure-t-on côté britannique.
Car après Calais, une fois les mineurs transférés dans les centres d'accueil et d'orientation (CAO) dédiés, les chances d'une réponse positive risquent de baisser drastiquement.
Peut-être conscients de cette urgence, une foule de jeunes hommes continuait de se presser ce week-end devant les grilles des bâtiments où étaient menés les entretiens -- qui n'auront cependant pas lieu lundi, pour ne pas interférer avec la dynamique de l'évacuation et la montée dans les cars.
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