Pour la seconde année consécutive, la maison de retraite de Saint-Quirin, petit village à la lisière de l'Alsace et de la Moselle, accueille tous les mardis des enfants en difficulté psychologique. Une expérience qui a époustouflé enseignants et soignants.
"Quand on a lancé le projet, on n'avait aucune idée si la greffe allait prendre", explique Philippe Leroy, directeur adjoint de l'ITEP - Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique. Mais elle a pris, au-delà de ses espérances: "Je suis bluffé".
Pour ces jeunes, se rapprocher des malades a permis de prendre confiance en soi, et pour les malades, de reprendre goût à certaines activités, de renouer avec des gestes oubliés.
L'idée, toute simple, c'est de "mettre ensemble deux populations qui sont stigmatisés, victimes souvent du regard des autres, pour qu'ils soufflent un peu", selon Philippe Leroy et Eric Morgenthaller, le directeur de la Charmille, "et ça fonctionne".
Un temps calme qui permet aux 4 ou 5 ados "de pouvoir discuter entre eux, avec des personnes âgées, de tout et de rien. On peut parler de leurs fils, comme du jardin ou de leur vie. Il y a des choses chez les personnes âgées qui ressortent, explique Michael Villetet, un de leurs éducateurs spécialisés. Et chez les jeunes, "le langage s'adapte tout de suite, ils sont polis, respectueux".
"On peut discuter, ils nous racontent plein de choses, on rigole avec eux, on passe du bon temps", rapporte Nicolas, 16 ans. "On prend soin d'eux, on s'occupe d'eux un peu, ils nous racontent plein de choses. Ca me fait grandir, ça m'apprend des choses, ça me pose, ça fait du bien."
Occupé à peindre en rouge un bac à fleurs, il observe Giuseppe, casquette sur la tête. L'ancien peintre lui a donné quelques conseils, pendant que M. Masson, un autre résident, chantonne plus qu'il ne peint, sous l’œil de l'arthérapeute Anne-Lise Carron.
"Ils ont chacun leurs difficultés relationnelles, et ici c'est un moment de partage et de respect où tout le monde peut travailler ensemble", explique la jeune femme.
Et créer des liens, au point que certains jeunes ont leur préféré. Pour Nicolas, c'est M. Masson. "Parfois, il dit des gros mots, on dirait un jeune qui fait des bêtises", rigole l'adolescent.
A la rentrée, alors qu'ils ne s'étaient pas vus depuis plusieurs semaines, "il y avait une lueur dans le regard des résidents" quand les jeunes sont revenus, raconte Mme Carron.
- Pommes, poules et bouquets -
Dehors, alors que les nuages s'accrochent aux cimes des sapins, Alexis et Romain ont relevé leurs manches et dégagé presque toute une plate-bande, sourire aux lèvres.
"Deux élèves ont demandé à venir déjeuner ce midi, alors qu'ils n'étaient pas obligés", ne s'étonne presque plus leur éducateur.
Avant les vacances scolaires, jeunes et moins jeunes mangent ensemble, pour marquer le coup avant une séparation un peu plus longue que d'habitude. Ce midi, ce sont Alexis, Romain et Nicolas, qui mettent le couvert, avant de s'installer avec les résidents.
De jolis moments qui ne seraient pas possibles sans le jardin thérapeutique dont s'est dotée la maison de retraite il y a deux ans.
Avec un banc tous les 10 à 15 mètres, des fleurs que l'on peut arracher à loisir pour confectionner des bouquets, des barrières de haies - la partie de la maison de retraite qui accueille les malades d'Alzheimer est close -, une tonnelle, il a été pensé pour les résidents dans les moindres détails, explique Philippe Pauchard, son créateur.
Depuis son installation, les patients "dorment mieux", se réjouit M. Morgenthaller. "Dans le cadre de la maladie d'Alzheimer il y a des moments de crises, et le jardin permet des baisses d'angoisses formidables."
Il aide aussi à retarder la dépendance physique, en favorisant la mobilité: un vieux monsieur file tous les matins vérifier que les quelques poules ont bien pondu, explique le directeur pendant qu'une femme passe en croquant dans une pomme qu'elle vient de cueillir.
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