"Il semble évident pour moi, pour le Canada, que l'Union européenne n'est pas capable maintenant d'avoir un accord international, même avec un pays qui a des valeurs aussi européennes que le Canada", a déploré la ministre canadienne du Commerce Chrystia Freeland, venue cette semaine négocier à Namur, la capitale de cette région francophone du sud de la Belgique.
"Le Canada est déçu, moi personnellement je suis très déçue", a déclaré en français Mme Freeland, manifestement émue. "J'ai travaillé très fort, mais je pense que c'est impossible. Nous avons décidé de retourner chez nous", a-t-elle ajouté en annonçant la rupture des discussions.
Cet échec remet en cause la signature officielle du Ceta entre l'Union (au nom des 28 Etats membres) et le Canada censée avoir lieu le 27 octobre à Bruxelles, en présence du Premier ministre canadien Justin Trudeau.
- Les Wallons veulent "un peu de temps" -
Dans une interview téléphonique avec l'AFP, le chef du gouvernement wallon Paul Magnette s'est dit "surpris" par le départ de la ministre canadienne et a réclamé "un peu de temps".
"On convergeait bien, on avait une discussion constructive avec les Canadiens mais on n'a pas pu s'entendre sur le temps et je le regrette. J'ai expliqué que la démocratie, ça prend du temps", a plaidé M. Magnette.
Pour autant, la rupture des négociations entre Wallons et Canadiens ne signifie pas "la fin du processus", a affirmé la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, assurant que des "progrès importants avaient été faits dans la plupart des domaines qui inquiètent la Wallonie".
Le président de l'exécutif européen, Jean-Claude Juncker, a également joué l'optimisme: "Je ne désespère pas que nous trouvions une solution dans les prochains jours avec nos amis wallons". "Quand je dis que j'espère trouver un accord dans les deux, trois prochains jours, cela inclut aujourd'hui", a précisé le Luxembourgeois.
La Wallonie, région de 3,6 millions d'habitants, voit dans le Ceta qui concerne plus de 500 millions d'Européens les prémices du traité TTIP (ou Tafta), encore plus controversé, que l'UE négocie très laborieusement avec les Etats-Unis, et réclame plus de garanties, notamment en matière de protection de ses agriculteurs et face aux puissantes multinationales.
- Enième crise européenne -
En raison du très complexe système fédéral du royaume, le gouvernement belge doit absolument obtenir l'aval de ses sept Parlements, dont celui de Wallonie.
De son côté, l'UE a besoin du feu vert de ses 28 Etats membres pour valider l'accord qui s'est dégagé avec le Canada au bout de sept ans de négociations: la signature est censée avoir lieu le 27 octobre lors d'un sommet bilatéral à Bruxelles, en présence du Premier ministre canadien, Justin Trudeau.
Devant son Parlement régional, Paul Magnette avait fait état vendredi matin de "nouvelles avancées significatives, notamment sur le dossier agricole". "En revanche, il reste des difficultés pour nous, en particulier sur le dossier de l'arbitrage", avait-il précisé.
La question des tribunaux d'arbitrage est en réalité la plus sensible du Ceta: elle concerne la possibilité donnée aux multinationales investissant dans un pays étranger de porter plainte contre un Etat adoptant une politique publique contraire à leurs intérêts.
Est désormais prévue la création d'un tribunal permanent composé de 15 juges professionnels nommés par l'UE et le Canada, dont toutes les auditions seraient publiques.
Mais les ONG jugent que cette concession ne va pas assez loin et craignent que ces "pseudo-juges" soient des avocats d'affaires liés à des intérêts privés.
"Expliquez moi pourquoi pour les entreprises, il faudrait une justice d'exception (...) L'insistance obsessionnelle des partisans du Ceta à vouloir imposer ces tribunaux arbitraux envoie le message que c'est le véritable objectif du traité, ce qui rend évidemment les opposants encore plus méfiants", a dit à l'AFP Philippe Lamberts, coprésident du groupe Verts au Parlement européen.
Lors de la conférence de presse finale du sommet, le président du Conseil européen Donald Tusk s'est désolé de l'image désormais écornée de l'UE dans les négociations commerciales.
Ce blocage soulève en tout cas d'énormes interrogations sur la capacité de l'UE --ébranlée par des crises à répétition et fragilisée par le Brexit-- à négocier désormais des traités commerciaux avec des pays comme les Etats-Unis ou le Japon.
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