Dernière en date, l'installation cet été de l'agence de publicité BETC dans les anciens Magasins généraux de Pantin. La réhabilitation de ce paquebot de béton brut et de verre posé au bord du canal de l'Ourcq a mis un coup de projecteur sur ce département de petite couronne, plus réputé pour sa criminalité que pour son patrimoine architectural.
Amorcée avec le premier choc pétrolier, la désindustrialisation a libéré dans l'ancienne ceinture rouge de vastes friches, longtemps "délaissées, voire dénigrées" ou largement "sous-utilisées", raconte le président PS du Conseil départemental, Stéphane Troussel.
Pour autant, la majorité des bâtiments ont été conservés, contrairement à la banlieue ouest: à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), où ces friches couvraient 40% du territoire, "il reste en tout et pour tout un portail d'usine et c'est pareil à Boulogne", relève la géographe Marie-Fleur Albecker.
Dans le "9-3", la prise de conscience de la valeur de ce patrimoine industriel date de la Coupe du monde de 1998, quand le Comité du tourisme a cherché "ce qu'il pouvait faire visiter aux délégations dans le secteur du stade de France", et a eu l'idée de mettre en valeur ses usines, explique Daniel Orantin, son directeur.
Si Londres et ses docks ont été pionniers, c'est aussi à cette époque que le regard posé en France sur "ces bâtiments qu'on ne regardait même pas a commencé à changer", selon lui.
Le bas prix du foncier dans le département et la diversité de ces espaces situés aux portes de Paris font le reste. Dès le milieu des années 2000, grandes firmes tertiaires et entreprises publiques commencent à y délocaliser leurs activités.
Bureaux, logements, administrations mais aussi galerie d'art ou musée : les chantiers se succèdent. Parmi les plus emblématiques, les Grands Moulins de Pantin réinvestis par BNP Paribas ou l'ancienne centrale thermique de Saint-Denis reconvertie en Cité du cinéma par Luc Besson.
- "Brooklyn parisien" -
Symbole de cette nouvelle ère, la métamorphose de la friche Babcock à La Courneuve, inspirée par le succès de la Belle de Mai à Marseille. A son apogée, l'entreprise Babcock et Wilcox, qui fabriquait des chaudières industrielles dans ces immenses halles de brique et de métal, était le principal employeur de la ville.
En septembre, le tout-Paris a pris le RER pour assister sur la friche à six heures d'une mise en scène déjantée, en ouverture du Festival d'automne. Babcock, où le maire de ce bastion communiste a lui-même travaillé comme technicien, accueillera aussi un pôle de la Banque de France.
Pour l'architecte qui a réhabilité les Magasins généraux de Pantin, autrefois livrés aux graffeurs, ce phénomène de reconversion "n'est pas juste une coquetterie à la mode".
"Ce bâtiment a une gueule incroyable mais, au-delà, il offre des solutions qu'on ne trouve pas dans des immeubles de bureaux standard : des hauteurs sous plafond extraordinaires, des façades ouvertes de tous les côtés, 1,4 km de coursives", s'enthousiasme Frédéric Jung.
Il ne s'agit pas pour autant, dans l'esprit du président du département, de "sauvegarder à tout prix le village gaulois, mais bien d'inscrire ces monuments dans un projet urbain innovant".
A Pantin, qualifiée de "Brooklyn parisien" par le New York Times, la transformation des Magasins généraux constitue ainsi le point de départ d'une vaste opération d'aménagement des berges du canal de l'Ourcq qui doit aussi bénéficier à des communes plus enclavées, comme Bobigny, la ville-préfecture, et sa voisine Bondy.
Au-delà, ce "type de bâti qui valorise le paysage urbain constitue aussi un élément favorable à la gentrification", souligne Marie-Fleur Albecker. "Avant, la Seine-Saint-Denis, c'était là où Paris envoyait ses morts, ses ordures et ses logements sociaux", rappelle Bertrand Kern, le maire PS de Pantin.
La capitale y envoie désormais aussi ses "bobos".
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