Jeudi après-midi. Un stade au bord du périphérique parisien. Ahmadzai et une quarantaine de jeunes migrants afghans, fous de cricket forcément, ont rendez-vous à l'initiative d'Emmaüs pour taper la petite balle entre eux, entraînés par des membres de l'équipe de France.
L'ambiance est joyeuse. Les migrants, en France depuis parfois près d'un an, n'ont jamais eu l'occasion de retoucher une batte depuis leur exode.
"Parfois on joue dans des petits parcs, des squares, avec les moyens du bord", explique Malah in Zardat, hébergé depuis plusieurs mois dans l'ancien lycée Jean Quarré, dans le 19e arrondissement. "Mais c'est génial de jouer dans un stade comme celui-là". En Afghanistan, Malah, 23 ans, jouait au cricket "dès qu'il pouvait, avec des copains, presque tous les jours". Comme on tape dans un ballon dans le reste du monde.
Un responsable d'Emmaüs se souvient d'ailleurs avoir vu arriver dans un centre d'accueil "un Afghan avec seulement deux tee-shirts et une batte."
Sport N.1 en Afghanistan, comme dans tout le sous-continent indien et les pays du Commonwealth, le cricket est pratiqué en France par une poignée d'originaux, ou de nostalgiques. France Cricket, la Fédération, compte 1500 licenciés et l'équipe de France a des accents carrément exotiques avec la quasi totalité de ses joueurs d'origine sri lankaise, indienne, pakistanaise, anglaise ou australienne.
Jeudi, c'est l'international français Kismatullah Surate, né il y a 24 ans en Afghanistan et immigré à 16 ans à Aubervilliers, qui a été mandaté pour rencontrer ses compatriotes migrants et leur vanter les vertus de l'intégration par le cricket.
- Repérage de talents -
"Pendant quatre ans après mon arrivée en France, je n'ai pas joué au cricket. J'en rêvais. Puis j'ai appris qu'il y avait des clubs. J'ai joué deux ans en club puis j'ai été sélectionné en équipe nationale", raconte Kismatullah, entre deux interrogatoires menés par des migrants avides de conseils.
"Je leur dis que le cricket peut les aider à s'intégrer, mais qu'il faut qu'ils fassent des efforts. Aller à l'école, apprendre le Français, c'est important aussi", poursuit le jeune homme.
Au bord du terrain, le président de France Cricket, Prebagarane Balane ne cache pas le double objectif de la rencontre du jour: d'abord se montrer solidaire avec les réfugiés, ensuite opérer un petit repérage des talents potentiels.
"Pour avoir une licence, il suffit d'avoir un certificat médical et un titre de séjour", explique M. Balane. De nombreux Afghans arrivés ces derniers mois ont d'ailleurs trouvé le chemin des clubs... en attendant une potentielle naturalisation qui leur ouvrirait celui d'une équipe de France modeste, certes, mais en progrès.
Parfois, le patron du cricket tricolore utilise ces nouveaux venus pour faire la promotion de son sport dans les écoles, auprès de jeunes qu'il faut séduire pour atteindre le but ultime: "Médiatiser le cricket".
Mohamed Daoud Ahmadzai, lui, nourrit d'autres ambitions. Le joueur de la province du Logar, qui a fui son pays parce "qu'on voulait lui faire poser des bombes dans son stade", voulait "rejoindre l'Angleterre", l'autre pays du cricket, au pire les Pays-Bas.
Reconnaissant envers la France qui l'accueille, l'ex-professionnel n'a pas renoncé à son rêve. Un rêve plus grand que l'équipe de France, coincée en première division européenne, bien loin des cadors mondiaux.
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