"Cazeneuve t'as perdu, la police est dans la rue!": comme lundi au premier soir du mouvement de contestation, des agents ont marché dans la nuit sur la célèbre avenue parisienne. Ils étaient environ 300, en civil, a constaté un journaliste de l'AFP: formant une chaîne compacte et dissimulant souvent leurs visages, ils sont montés jusqu'à l'Arc de Triomphe, sous lequel ils ont entonné la Marseillaise, avant de se disperser.
Les manifestants avaient été auparavant empêchés de faire route vers le ministère de l'Intérieur, comme ils l'ambitionnaient.
Ils étaient partis de la très symbolique place de la République, après un détour par l'hôpital saint-Louis tout proche, où est soigné un adjoint de sécurité de 28 ans très grièvement brûlé dans une attaque au cocktail Molotov d'un véhicule de police à Viry-Châtillon (Essonne) le 8 octobre.
C'est cette agression qui a déclenché la fronde actuelle. Une gardienne de la paix de 39 ans, qui avait été également grièvement touchée, a quitté l'hôpital mardi soir.
Après Marseille et Nice mardi, le mouvement a gagné encore d'autres villes. Une centaine d'agents se sont retrouvés mercredi soir devant l'hôtel de police à Nancy, selon une source syndicale. Et quelque 120 policiers se sont rassemblés à Toulouse pour dire leur "malaise".
A quelques mois de la présidentielle, la fronde a viré à la polémique politique.
Le patron des socialistes Jean-Christophe Cambadélis a dénoncé la "patte" du Front national dans ces actions "hors la loi". "Pas de +patte+ mais un soutien sans faille, face à un pouvoir qui a manifestement de la haine pour la police", a répliqué le vice-président du FN Florian Philippot, alors que la présidente du parti Marine Le Pen, évoquait mercredi soir dans un message vidéo sur twitter, un mécontentement "légitime et sain".
De son côté, Julien Dray (PS) proche de François Hollande, a estimé qu'il "faut réfléchir au statut de ces policiers et surtout des conditions de travail. Bref pas tout réduire à une manipulation même s'il est vrai que le FN a une implantation électorale forte" sur sa page Facebook jeudi matin.
Sous le feu des critiques, l'exécutif s'est employé à calmer le jeu.
François Hollande a réaffirmé son "soutien" aux policiers et appelé au "dialogue".
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a reçu "en urgence" dans l'après-midi les syndicats, à leur demande, pour leur annoncer le lancement dès lundi de concertations dans les départements sur les revendications policières.
Les conclusions seront remises "en décembre pour mise en oeuvre immédiate dès 2017". Un plan "de sécurité publique" sera lancé en novembre et "complété des résultats de la concertation", a assuré Bernard Cazeneuve, promettant un "dialogue riche", sur la dotation en nouveaux matériels ou l'amélioration des conditions de travail.
- 'Impunité' ou 'fermeté' -
Les syndicats, confrontés eux-mêmes à la colère de la base, ont ensuite été reçus longuement par le garde des Sceaux. Alors que les policiers dénoncent régulièrement "l'impunité" dont jouiraient leurs agresseurs, Jean-Jacques Urvoas a promis "la plus grande fermeté".
A la sortie, le secrétaire général adjoint du syndicat Alliance, Frédéric Lagache, s'est cependant dit "déçu" par l'absence de "réponse", notamment sur un changement des règles de la légitime défense. Le syndicat demande désormais "une audience au président de la République".
Mais Yves Lefebvre, d'Unité-Police SGP-FO, s'est félicité d'"un bon dialogue". Ce syndicat a appelé à une manifestation silencieuse, "une marche de la colère policière et citoyenne", le mercredi 26 octobre.
Partie de l'Essonne lundi soir, la contestation a pris de court les autorités.
Si une enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la "police des polices", a été ouverte, Bernard Cazeneuve a là aussi voulu rassurer: "ce n'est pas pour entrer dans un cycle de sanctions, c'est pour rappeler des principes".
Alors que les forces de l'ordre sont très sollicitées en pleine lutte antiterroriste, les policiers exigent des renforts et des moyens, et se plaignent d'un surplus de gardes dites statiques.
Le directeur général de la police nationale (DGPN), Jean-Marc Falcone, qui avait rencontré mardi soir des policiers de l'Essonne à Évry, a dit comprendre "l'exaspération, les craintes et les angoisses" des agents, tout en déplorant que certains aient "utilisé des véhicules" et des "moyens" de la police "pendant leurs heures de service".
Le patron de la police, qui avait adressé mardi un ferme rappel à l'ordre à ses troupes, était reparti dans la soirée sous les huées de quelque 400 fonctionnaires venus soutenir leurs collègues menacés de sanctions.
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