3 septembre 1939. La Seconde Guerre mondiale éclate après l'invasion de la Pologne par le régime hitlérien. Si la France déclare la guerre au IIIe Reich, après avoir longtemps tergiversé, les habitants n'en perçoivent pas tout de suite toutes les conséquences dramatiques.
L'exode à Limoges
A Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), la vie suit son cours pour José Mizrahi, un Juif habitant rue du Cours, avec son frère et ses parents. Mais très vite, le conflit s'immisce dans leur quotidien. Cela commence à l'automne 1939, avec l'exode. "Tout le monde partait à pied ou à bicyclette, le long des routes, se rappelle celui qui avait alors quatre ans. Nous sommes allés jusqu'à Limoges". Avant, finalement, de faire marche arrière et de revenir chez eux, en Normandie. Pour la famille Mizrahi, le calvaire commence, comme pour de nombreuses familles, dans une Normandie occupée par les armées du Reich.
Le père déporté en 1941, la mère en 1943
Août 1941. À la descente du train, son père, Raphaël, est fait prisonnier lors d'une rafle à la gare Saint-Lazare (Paris). Déporté au Vel d'Hiv, il sera ensuite envoyé à Drancy (Seine-Saint-Denis) puis à Auschwitz (Pologne), où il mourra. "Ma mère nous a expliqué que notre papa avait été arrêté à Paris, sans nous donner trop de précisions", se rappelle José Mizrahi.
Janvier 1943. En pleine nuit, M. et Mme Vain, les propriétaires de l'immeuble où logent la mère Corinne Mizrahi et ses fils, entendent du bruit. Ils regardent dehors: c'est la police française. Eux savent qu'ils viennent chercher leurs locataires juifs. Et pour cause: d'autres ont été arrêtés quelques minutes auparavant.
Ils prennent les choses en main. Toquent à la porte de leurs voisins: "Ils viennent pour vous. On prend vos enfants", disent-ils à la mère. "Ils nous ont portés dans leur appartement alors que nous dormions. Le matin, je me souviens m'être réveillé et n'avoir rien connu autour de moi. Et ma mère n'était plus là". Elle non plus, il ne la reverra jamais. Elle décédera, comme son mari avant elle, à Auschwitz, dans le camp de la mort.
Une nouvelle vie
Une nouvelle vie commence pour les deux jeunes frères. "Nous n'avions rien, même plus de vêtements. Mme Vain a cousu tous nos habits", se rappelle José. Avant d'être embarquée par la police collaboratrice, leur mère a pu glisser un mot aux sauveurs de ses enfants: "Qu'ils fassent leurs prières". Problème: comment faire faire ses prières à deux enfants juifs quand on est soi-même catholique? "Alors on a récité les prières catholiques, agenouillés sur une chaise", évacue José Mizrahi.
"Mizrahi est un pote!"
Le désormais octogénaire se souvient de la bienveillance: de ses sauveurs, que l'on n'appelle pas encore Justes, des voisins, des copains de classe, de l'instituteur. "Quand ma mère est partie, nous portions encore l'étoile jaune, rembobine José Mizrahi. L'instituteur de l'école Renan, M. Sanier, a demandé à M. et Mme Vain de nous l'enlever". Le même directeur avertit ses camarades de classe: José et Isaac doivent être traités de la même façon que les autres. L'un d'eux prend la parole: "Les Boches sont des cons! Mizrahi est un pote! Je casse la gueule à ceux qui l'emmerderont, lui et son p'tit frère. Vu, les mecs?"
Les voisins se prennent aussi d'affection pour les deux orphelins, qui n'apprendront que bien plus tard, via les archives départementales des Anciens Combattants, la mort de leurs parents: "Il y avait une dame qui, quand elle venait nous voir, nous racontait toujours une petite blague. Une autre faisait de la couture pour nous".
37 ans avec leurs sauveurs
La guerre se finit. José et Isaac y auront perdu leurs parents. Et leur foi aussi: "À l'issue de la guerre, nous avons pensé que Dieu n'existait pas. Quand nous étions dans les abris, nous voyions les femmes prier sans cesse. Or, les bombardements ne s'arrêtaient pas. Les accalmies duraient quelques minutes à peine. Et puis elles priaient à nouveau. Mais Dieu ne les entendait pas".
Les deux frères restent indéfectiblement attachés à leurs sauveurs. José Mizrahi, devenu chaudronnier, vivra jusqu'à ses 37 ans chez eux. M. Vain meurt en 1969, Mme Vain en 1972.
Justes parmi les nations
En 2001, José Mizrahi écrit au Memorial Yad Vashem, en Israël, afin d'obtenir pour M. et Mme Vain la médaille des Justes à titre posthume. Elle lui sera remise au Mémorial de Caen. 44 ans après la mort de Mme Vain et alors que son frère a lui aussi disparu, José Mizrahi garde au coeur le dévouement de ses sauveurs: "Eux nous considéraient comme leurs enfants. Je les considère comme mes parents".
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