Dans une série d'entretiens avec l'historien Jean-Noël Jeannenay, diffusés à partir de lundi soir sur France Culture, celle qui fut conservateur au musée d'Orsay évoque "avec pudeur mais sans tabou" cette relation hors du commun, scandaleuse pour certains.
"Sans le golf, rien de cette histoire n’aurait existé!" raconte Anne Pingeot.
Jeune fille, elle habite en Auvergne, mais passe ses vacances dans les Landes, à Hossegor. Le "grand bonheur" de son père était de jouer au golf d'Hossegor "qui est fort beau et où il pleut beaucoup".
Un jour de pluie des années 1950, le père d'Anne invite des amis dans leur maison de villégiature. Il s'agit d'André Rousselet et François Mitterrand. Anne Pingeot a seulement 14 ans. François Mitterrand en a 41.
Le père d'Anne a un an de plus que François Mitterrand, mais qu'importe. "Je n’avais que quatorze ans. Cela m’a laissé une impression... ineffaçable."
Anne Pingeot se souvient et chavire. "C’est trop... de se souvenir de ce visage..."
Une passion était née, qui se concrétisera cinq ans plus tard, toujours à Hossegor. La première lettre de François Mitterrand, encore amoureux timide, date d'octobre 1962.
"Je ne sais pas si j'ai bien fait" de laisser publier les lettres d'amour de François Mitterrand et son Journal, confie Anne Pingeot, qui dit s'être finalement laissée convaincre par Jean-Noël Jeannenay lui-même. Pour l'historien, la publication de cette correspondance si intime et du "Journal pour Anne" s'imposait car elle apporte "une meilleure compréhension d'un des personnages majeurs de notre histoire nationale au XXe siècle".
Anne Pingeot a rouvert "une correspondance qui a commencé il y a plus d’un demi-siècle". "Et puis je l’ai transcrite, ce qui était à la fois une épreuve et une façon assez étonnante de revivre toute ma vie."
Les "Lettres à Anne, 1962-1995" (Gallimard) rassemblent les plus de 1.200 lettres adressées par l'ancien chef de l’État à Anne Pingeot de 1962 jusqu'à quasiment la mort de François Mitterrand (la dernière lettre est datée du 22 septembre 1995).
- Accepter l'inacceptable -
Après avoir longtemps hésité, elle avoue aussi qu'elle tenait à que ces lettres soient publiées de son vivant. "J’ai 73 ans, je mets en ordre", dit-elle. "C’est la crainte que ça ne soit pas fait correctement. Donc, ça, c’était aussi un motif de publication."
Comment avoir supporté de rester dans l'ombre tant d'années?
Descendante d'un des six maréchaux de France de la Grande Guerre, Anne Pingeot rappelle le poids des traditions dans les familles de la grande bourgeoisie française.
"C’était la province, très réactionnaire, de droite, pas évoluée et j’ai eu une formation dans ce sens", raconte-t-elle. "Je crois que ça a compté beaucoup parce que, on comprenait très bien cette trame de devoir..."
Rappelant les rares discussions autorisées à table avec sa famille quand elle était jeune fille, elle souligne: "Que n’ai-je entendu, par exemple, sur la vision de la femme... la femme est quelqu’un qui doit être soumis, qui ne doit avoir aucune vie intellectuelle."
"Ce côté de soumission a fait que j’ai accepté au fond l’inacceptable", souligne-t-elle
François Mitterrand était marié et père de famille au moment de leur rencontre. Jamais il n'envisagera le divorce d'avec Danielle Gouze pour s'installer avec Anne Pingeot.
Ce n'est qu'en novembre 1994 que les Français découvrent la liaison entre François Mitterrand et Anne Pingeot lorsque Paris Match publie des photos du président avec leur fille Mazarine, née en 1974.
La très discrète Anne Pingeot apparaîtra quant à elle pour la première fois en public le jour des obsèques de François Mitterrand (en janvier 1996) au côté de la veuve officielle, décédée en 2011.
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