Après plusieurs jours de mer agitée dissuadant les départ, les migrants sont partis mercredi de Sabrata en début d'après-midi, à la faveur d'une accalmie, à bord d'un canot pneumatique où leurs passeurs ont entassé environ 130 personnes, dont au moins une douzaine de femmes et trois jeunes enfants.
Mais très vite, le vent s'est levé, les vagues se sont creusées, "c'est devenu l'enfer", a raconté Aris Messinis, un photographe de l'AFP embarqué sur l'Astral, le navire de l'ONG espagnole Proactiva Open Arms qui patrouillait non loin de là.
En fin d'après-midi, les migrants ont lancé un appel désespéré aux gardes-côtes italiens, qui coordonnent les secours dans la zone et ont mobilisé l'Astral mais aussi le Phoenix de l'ONG maltaise Moas et le Iuventa de l'ONG allemande Jugend Rettet.
Alors que la nuit était tombée, le drone du Phoenix a réussi à repérer le canot... à 8 milles nautiques des côtes libyennes, soit 4 milles à l'intérieur de cette zone où les navires de secours étrangers ne peuvent pas intervenir.
Cette année, plusieurs navires humanitaires ont essuyé des tirs ou reçu la visite d'hommes armés pour s'être trop approchés des eaux libyennes. En septembre, les gardes-côtes libyens ont arrêté deux Allemands de l'ONG Sea-Eye en affirmant qu'ils avaient franchi la ligne.
Souvent, les secours ont dû attendre qu'une embarcation surchargée parvienne tant bien que mal dans les eaux internationales pour intervenir. Mais mercredi soir, il était évident que le canot n'y arriverait pas.
"Nous avons dit aux gardes-côtes libyens que nous entrions (dans les eaux libyennes) quoi qu'il arrive parce que le bateau était en train de couler et ils ont finalement accepté", a raconté le photographe de l'AFP.
- "Il pleurait et s'agrippait" -
Une porte-parole du Moas a confirmé que l'opération avait eu lieu dans les eaux libyennes, expliquant que cela s'était déjà produit au moins une fois il y a quelques semaines, toujours avec l'accord des gardes-côtes libyens.
A la lumière de leurs projecteurs, les secouristes ont réussi à mettre en sûreté 113 personnes -- 89 hommes, 11 femmes, 11 adolescents et deux enfants -- à bord du Phoenix.
Mais selon le Moas, ces survivants ont assuré avoir été environ 130 au départ. Parmi ceux qui manquent à l'appel: une jeune fille de 16 ans, les cinq compagnons de voyage d'un adolescent... et un petit garçon de presque trois ans.
"J'étais sur le canot avec mon fils, il pleurait et s'agrippait à moi. La mer était agitée et le bateau prenait l'eau. A un moment des gens ont paniqué. J'ai été poussée à l'eau et j'ai perdu mon fils dans le chaos, alors que j'essayais d'attraper un gilet de survie. Il aurait eu trois ans dans quelques jours", a raconté sa mère, en état de choc, à bord du Phoenix, selon un communiqué du Moas.
En pleine nuit et malgré les conditions difficiles, les secouristes ont cherché pendant une heure dans la zone, sans trouver ni survivant ni corps.
Outre la peur et pour certains de longues heures dans l'eau, de nombreux rescapés souffrent de brûlures dues au carburant, dont une femme brûlée sur 36% du corps mais qu'il était impossible d'évacuer par hélicoptère dans l'immédiat en raison des conditions météorologiques.
Mélangé à l'eau salé, le carburant a des effets dévastateurs sur la peau, en particulier pour les femmes qui, contrairement aux hommes, n'osent pas retirer leurs vêtements souillés.
Depuis le début de l'année, l'Italie a vu débarquer près de 145.000 migrants sur ses côtes. Selon l'ONU, au moins 3.626 sont morts ou disparus en mer.
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