Ce jeudi matin d'octobre, sept patients, d'une quarantaine d'années à près de 80 ans, ont rendez-vous au centre de lutte contre le cancer Paul-Strauss, à Strasbourg, pour participer à cette activité inédite en France.
Tous se sont engagés dans un cycle de six mois de cours de boxe adaptés, à raison de deux séances par semaine, alors qu'ils étaient soignés pour un cancer.
Au programme, pas de combat proprement dit mais des coups portés sur des "pattes d'ours" (des sortes de gants plats présentés par l'entraîneur) et sur un mannequin, pour travailler l'équilibre, la coordination, la mémorisation d'enchaînements, renforcer sa masse musculaire.
Ce matin-là, si certains patients font à peine osciller le mannequin, d'autres semblent prêts à le réduire en miettes. Après une consultation médicale initiale, chaque patient est suivi individuellement, incité à boxer à son rythme.
"Il y a des personnes qui peuvent faire un mouvement aujourd'hui et qui ne pourront pas le faire demain, à cause de la chimiothérapie", explique l'entraîneur Thibault Kuhn, spécialiste des activités physiques adaptées, qui a conçu ce programme.
"Ma femme était un peu contre, elle pensait que je rentrerais avec un nez 'comme ça'", s'amuse Richard, 78 ans, lunettes et moustache grise, qui en est à sa quatrième séance.
"Quand je leur propose en consultation de faire de la boxe, je vois parfois un mouvement de recul de la chaise. Ils se disent 'mais il est cinglé'", sourit le Dr Roland Schott, oncologue à l'initiative de cette activité.
"Il y a encore 20 ou 30 ans, on disait aux patients, 'vous êtes fatigués, restez au lit', moi je leur dis l'inverse", ajoute le médecin, convaincu que la fatigue a aussi une dimension émotionnelle et que la pratique d'une activité physique améliore les chances de survie des malades du cancer.
- 'Rendre les coups' -
Une évaluation de ce programme pilote, lancé en mai, doit être menée à l'issue de la première session de cours de six mois, pour mesurer les bénéfices pour les patients, tant physiques que psychologiques. "Leur façon de bouger a considérablement évolué en six mois. Ils gagnent beaucoup en amplitude de mouvement", estime le Dr Schott, qui avait déjà lancé des cours d'aviron l'an dernier.
"Avant, j'appréhendais de descendre un escalier, aujourd'hui je n'appréhende plus", constate Christel Riegel, 46 ans, grande blonde à l'allure énergique, pour qui la boxe est aussi "un défouloir" et "une façon de rendre les coups".
Traitée par immunothérapie, cette directrice d'école file directement subir un examen après le cours de boxe. "C'est aussi notre façon de voir l'hôpital qui évolue: on n'y vient pas seulement pour se faire soigner mais aussi pour prendre du bon temps", note-t-elle.
Au-delà de l'émulation créée par une activité de groupe, la boxe donne aux patients la sensation de redevenir maîtres de leur destin, estime l'entraîneur Thibault Kuhn.
"On est un peu comme dans un tunnel et il est intéressant de voir la lumière au bout", commente Serge Astruc, 65 ans, qui a terminé une radiothérapie. "Au début, retenir les enchaînements n'était pas évident, mais cela va mieux, on se ressent à nouveau dans son corps, on est à nouveau soi-même".
Entièrement financé par trois laboratoires pharmaceutiques, le programme, d'un coût de 25.000 euros, est gratuit pour les patients.
Pour Jean-Marc Descotes, ancien champion de karaté et cofondateur de la Cami, fédération qui organise l'accompagnement sportif de malades du cancer, "la représentation que les gens ont des disciplines est clairement un frein à l'activité, alors qu'on ne devrait pas s'intéresser à la discipline mais au modèle pédagogique proposé".
Une pédagogie adaptée qui implique, selon lui, de "ne pas aller dans le champ de la maladie mais dans le champ du corps: on parle de posture, d'ancrage dans le sol, de libération de la cage thoracique".
A Strasbourg, Christel envisage en tout cas, pour l'après-cancer, de s'inscrire dans un "vrai" club de boxe.
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