"Je me pose encore la question" de savoir s'il faut recevoir M. Poutine, a reconnu le président français François Hollande dans une interview qui doit être diffusée lundi soir sur la chaîne de télévision TMC. "Est-ce que c'est utile ? Est-ce que c'est nécessaire ?", s'est interrogé le chef de l'Etat, résumant le dilemme auquel est confrontée la France, en première ligne pour dénoncer l'horreur en cours à Alep, mais soucieuse de sauvegarder les liens avec son "partenaire" russe.
La visite de M. Poutine, prévue pour le 19 octobre, est avant tout privée et n'a jamais été annoncée par le Kremlin et encore moins par l'Elysée, mais a été dévoilée dès le printemps dernier par l'ambassadeur de Russie à Paris, puis régulièrement évoquée ces derniers mois.
M. Poutine se déplace pour inaugurer un "centre spirituel et culturel orthodoxe russe", un imposant édifice aux bulbes dorés construit au bord de la Seine abritant une église, une école, une maison paroissiale et les services culturels de l'ambassade.
Prenant de court son homologue français Jean-Marc Ayrault qui s'est rendu vendredi à Moscou pour réclamer un cessez-le-feu à Alep, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a fait savoir, avant même le début de leur conférence de presse commune, que M. Poutine s'entretiendrait à l'occasion de son séjour à Paris avec M. Hollande et évoquerait les crises syrienne et ukrainienne.
Embarrassées, les autorités françaises n'ont confirmé ni la rencontre, ni la date de la visite.
"Si le président de la République décide que le président russe vient, ça ne sera pas pour des mondanités, ce sera pour dire des vérités" sur la Syrie, a affirmé lundi matin M. Ayrault sur la radio France Inter, répétant, à l'instar de l'ONU et de Washington, que des "crimes de guerre" étaient commis à Alep et que leurs responsables en seraient comptables devant la justice internationale.
M. Ayrault rentrait d'une tournée à Moscou, Washington et New York pour tenter d'imposer un arrêt des bombardements sur Alep, la deuxième ville syrienne, noyée depuis le 22 septembre sous un déluge de feu par les forces de Damas et celles de leur allié russe.
La confrontation diplomatique entre les Occidentaux et la Russie a atteint son apogée samedi soir à l'ONU, lorsque Moscou a mis son veto à la résolution française sur un cessez-le-feu à Alep, soutenue par 11 des 15 membres du Conseil de sécurité.
- 'Symbolique lourde'-
Avec la visite annoncée de Vladimir Poutine, "Paris est confronté à une situation extrêmement délicate", estime Thomas Gomart, directeur de l'Institut français des relations internationales (IFRI), spécialiste de la Russie.
S'il est compliqué en termes d'image de voir le président russe "inaugurer un lieu de culte pendant que son armée bombarde Alep", la visite a aussi "une symbolique lourde", note le chercheur.
"Sa venue serait une forme d'apothéose pour la diplomatie russe, qui veut présenter Poutine comme un acteur majeur, voire central, sur la scène internationale", analyse-t-il.
Pour autant, les autorités françaises peuvent-elles ne pas recevoir le chef de l'Etat russe s'il vient effectivement ?
Reflétant un courant traversant tout l'échiquier politique français, qui prône un dialogue accru avec la Russie, et notamment sur la Syrie, l'ancien Premier ministre de droite François Fillon a estimé que "bien sûr", M. Hollande devait "accueillir" son homologue.
"Les contacts se poursuivent" entre Moscou et Paris, a dit lundi midi une source diplomatique française, ajoutant que "les interrogations restaient très fortes" côté français.
Ce n'est pas la première fois que la politique étrangère du Kremlin met la France dans l'embarras. L'éclatement de la crise ukrainienne en 2014 l'a obligée, après des mois de tergiversations, à annuler la livraison à la Russie de deux navires de guerre Mistral, entraînant le remboursement à ce pays de quelque 949,7 millions d'euros. Les bâtiments ont été finalement vendus à l'Egypte.
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