"Mon petit champ de pois est fichu, et voyez les carottes, il ne reste rien", se lamente la femme de 56 ans devant le terrain aujourd'hui rempli de pierres. "J'ai perdu mes 10 animaux pendant la tempête : les cabris, le cochon, ils ont tous été emportés par l'eau" raconte Marie-Thérèse.
A Kenscoff, une commune située sur les hauteurs de l'agglomération de Port-au-Prince, chaque parcelle de terre disponible était exploitée par les habitants pauvres de la commune.
A plus de 1.500 mètres d'altitude, beaucoup de ces petits jardins alignés sur des pentes très raides ont été emportés au cours des heures de pluies diluviennes.
"On n'a donc plus rien à aller vendre dans la capitale mais le plus grave c'est que, depuis ce matin, je n'ai rien pu trouver à manger", se désole Marie-Thérèse qui vit avec sa fille et ses deux petits-fils.
Si la capitale Port-au-Prince a été relativement épargnée par l'ouragan Matthew, qui a ravagé le sud d'Haïti, son grenier, que représentait le massif de La Selle, est dévasté.
Sur le plateau qui domine le département de l'Ouest, où se situe la capitale, le parc national de La Visite a essuyé des rafales de vents à plus de 200Km/h.
"Beaucoup de pins de la forêt sont tombés", témoigne Winthrop Athié, un des membres fondateurs de la fondation Seguin qui travaille à la protection du parc national.
"Les gens des environs en profitent car ils coupent les arbres tombés pour en faire du charbon et on ne va pas les en empêcher: c'est une aubaine à court terme pour compenser la perte de leur jardin. Mais que vont-ils préparer à manger sur ce charbon?", interroge Wintrhop, surnommé "Winnie".
- Les prix vont grimper en flèche -
La destruction de l'activité agricole du massif de La Selle inquiète Winnie car il sait que, face à la rareté des denrées alimentaires, les prix vont grimper en flèche sur les marchés de la capitale.
Or, Port-au-Prince et sa métropole, qui concentrent un tiers des 10 millions d'habitants du pays, 80% des familles, vivant sous le seuil de pauvreté, peinaient déjà à se nourrir quotidiennement.
"Pendant le séisme du 12 janvier 2010, la capitale a été détruite, tant de vies ont été perdues mais ce n'était pas aussi grave qu'aujourd'hui: ce n'était pas l'infrastructure alimentaire du pays qui avait été détruite", souligne Winnie en analysant les conséquences des destructions tant sur le massif de La Selle que celles enregistrés dans la moitié sud de l'île.
"Le pays ne va pas pouvoir s'en remettre avant 10 ans", estime Winnie. "Il nous faut un plan Marshall, il faut créer du boulot et rapidement. Si on nous ressort encore et toujours la même aide, on n'aura aucun résultat et la famine va l'emporter", soupire le responsable du parc La Visite qui redoute de voir son pays s'affamer et plonger dans la violence.
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