La dirigeante des Tories a clos le congrès de son parti mercredi après-midi à Birmingham (centre) en s'adressant en priorité aux "travailleurs ordinaires" et en soulignant que les travaillistes n'avaient "pas le monopole du coeur".
Désirant ancrer son parti "au centre de l'échiquier politique britannique", elle a brocardé le leader du Labour Jeremy Corbyn, dont la "prétendue supériorité morale" l'empêche d'entendre les peurs de la population sur l'immigration.
En s'engageant sur ce terrain, Theresa May vise autant les électeurs travaillistes que ceux du parti populiste Ukip, réceptacle des crispations de la société britannique et premier avocat d'une sortie de l'Union européenne.
A Birmingham, les conservateurs n'ont de fait cessé depuis dimanche de courtiser cet électorat en mettant l'accent sur les freins à l'immigration avant l'ouverture des négociations sur le Brexit en 2017.
La Première ministre a bien expliqué mercredi vouloir garantir aux entreprises "une liberté maximale de commercer et de fonctionner au sein du marché unique" européen. "Mais nous n'allons pas quitter l'UE pour abandonner de nouveau le contrôle de l'immigration", a-t-elle ajouté aussitôt, au risque de juxtaposer deux souhaits a priori contradictoires pour Bruxelles.
Dès mardi, la ministre de l'Intérieur, Amber Rudd, a dévoilé un nouveau plan de restrictions pour les entreprises qui seront poussées à publier une liste de leurs employés non-britanniques et à privilégier la main d’œuvre nationale.
L'idée est de ramener le solde migratoire, qui s'établit actuellement à 330.000 par an, sous la barre des 100.000, a-t-elle insisté.
Au même moment, le ministre de la Santé, Jeremy Hunt, a expliqué comment il voulait rendre "autosuffisant en médecins britanniques" le système de santé public NHS dont un quart des effectifs actuels est constitué d'étrangers.
- 'Rougir de honte' -
Quant au ministre de Commerce international, Liam Fox, il a souligné qu'il était hors de question à ce stade de garantir les futurs droits des trois millions de citoyens européens déjà établis au Royaume-Uni. "C'est l'une des nos principales cartes lors des négociations à venir sur le Brexit. On ne va pas l'abattre dès maintenant", a-t-il dit.
Ce matraquage sur l'immigration a suscité de vives critiques dans l'opposition, qui accuse les Tories d'utiliser "des êtres humains comme monnaie d'échange".
Les remarques de Liam Fox en particulier "feraient rougir de honte même un Nigel Farage", l'ex-leader controversé de l'Ukip, a fustigé le député travailliste Chuka Umunna.
"Ce n'est pas parce qu'il y a vacance de pouvoir à l'Ukip que Theresa May doit s'y engouffrer", a ajouté sa collègue écossaise, Kezia Dugdale.
Le durcissement du ton chez les Tories sur l'immigration coïncide opportunément avec la nouvelle crise de l'United Kingdom Independence Party (UKip) qui éprouve énormément de difficultés à négocier l'après-Farage.
Sa nouvelle dirigeante Diane James a démissionné mardi soir, dix-huit jours seulement après avoir succédé au leader emblématique, en regrettant le manque de soutien des députés européens et cadres du parti.
Unique personnage du parti identifié par le grand public, Nigel Farage a exclu tout retour aux commandes, même s'il reste "techniquement" le leader provisoire du parti jusqu'à l'élection d'un nouveau chef.
En attendant, Theresa May a bien compris qu'il y avait un espace à occuper, selon Matthew Goodwin, spécialiste de l'Ukip à l'Université du Kent.
"Theresa May se montre très habile en garant ses chars sur le territoire de l'Ukip. Ses projets de réforme scolaire, son approche des négociations du Brexit: tout ça résonne fortement auprès de l’électorat de l'Ukip", a-t-il déclaré à la BBC.
Le projet de Theresa May de séduire à la fois l'électorat travailliste et celui de l'Ukip ressemble à un grand écart. La ministre Amber Rudd estime, elle, qu'"il devrait pourtant être possible de parler des valeurs britanniques et de l'immigration sans qu'on nous tombe tout de suite dessus".
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