S'exprimant dimanche devant des journalistes dans l'avion qui le ramenait du Caucase à Rome, le pontife argentin a raconté une anecdote: un père de famille catholique français lui a confié comment son fils de dix ans, interrogé pendant un repas de famille sur ce qu'il voulait faire plus tard, lui avait répondu: "Être une fille".
"Le père s'est alors rendu compte que dans les livres des collèges, la +théorie du genre+ continuait à être enseignée, alors que c'est contre les choses naturelles", a déclaré le pape.
Pour le souverain pontife, "avoir des tendances homosexuelles ou changer de sexe est une chose", mais "faire un enseignement dans les écoles sur cette ligne" en est une autre. Il s'agit là d'une volonté de "changer les mentalités", d'une "colonisation idéologique".
Ces propos, pour classiques qu'ils peuvent paraître dans la haute hiérarchie de l'Eglise catholique, n'ont pas manqué de faire réagir en France. "Le pape souffle avec le vent de la réaction", a accusé l'association féministe et LGBT Les Effronté-e-s. La ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a "regretté" une "parole pour le moins légère et infondée".
"Sur des sujets aussi sérieux que cela on a donc aujourd'hui des intégristes capables d'embarquer y compris le pape dans leur folie mensongère? Moi ça me met très en colère, honnêtement, ce n'est pas un sujet de plaisanterie", a-t-elle insisté sur France Inter.
"Embarqué par des intégristes"? "Pas trop le style du pape, à mon avis", a répliqué sur Twitter l'abbé Pierre-Hervé Grosjean, médiatique prêtre et blogueur. "Qui êtes-vous, Mme , pour regretter des +paroles légères et infondées+ du pape ?", a taclé sur le même réseau social le député Les Républicains Hervé Mariton, opposant au mariage homosexuel.
- Des "études", pas de "théorie" -
La polémique sur une "théorie du genre", qui selon ses détracteurs est enseignée à l'école, avait été virulente en 2014, portée par des mouvements conservateurs. Le gouvernement et les principaux spécialistes de l'éducation ont toujours réfuté l'existence d'une telle "théorie", parlant plutôt d'un souci de "déconstruction des stéréotypes" sexués nourrie par des "études de genre".
Les propos du pape ont trouvé assez peu de relais à droite, hormis dans les cercles antimariage gay. "Je crois qu'il est allé un peu vite en besogne", a déclaré la députée LR Nathalie Kosciusko-Morizet sur Europe 1. "Les manuels scolaires je les regarde de près, j'ai deux petits garçons qui ont 11 ans et 7 ans et je n'ai jamais rien trouvé qui ressemble à la théorie du genre", a-t-elle assuré.
Tout en fustigeant une "théorie dangereuse" sur le genre, l'ancienne secrétaire d'Etat à la Famille Nadine Morano (LR) s'est montrée prudente: "Sur cette question je suis moins inquiète que le pape sans doute, mais je ne vois pas aussi à quel(s) livre(s) il fait référence".
La sortie imprécise du pape argentin, avec ce style familier qui le caractérise, illustre le caractère risqué de ses prises de parole dans l'avion du retour de ses nombreux voyages. Des propos à bâtons rompus et larges: ainsi, dimanche, François a aussi plaidé la "miséricorde" envers les personnes transsexuelles. Mais aussi des formules à l'emporte-pièce, sur le "coup de poing" que François donnerait bien à qui insulterait sa mère, ou les fidèles catholiques qui ne doivent pas se reproduire "comme des lapins"...
Cette polémique jette aussi une lumière vive sur la relation ambivalente qui lie le pontife à la France, évoquée avec affection après chaque attentat mais critiquée dans sa relation à l'Eglise (la "fille aînée", mais "pas la plus fidèle") ou pour sa laïcité "exagérée".
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