Pendant les séances de torture, "mes pieds ne touchaient jamais le sol. Parfois, ils tiraient puis relâchaient la chaîne" pour accentuer la douleur, explique ce trentenaire à l'AFP qui l'a accompagné dans la visite de l'ancien hôtel Minbej, ce lieu sinistre où il a été enfermé trois mois fin 2015.
"Après, pendant un bout de temps, je ne pouvais plus marcher ni me concentrer sur quoique ce soit", se souvient cet ancien étudiant en littérature française, accusé par les jihadistes d'avoir collaboré avec les forces kurdes, ennemi juré de l'EI en Syrie.
Faute de preuves, Ahmad sera relâché et rejoindra les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde qui a chassé l'EI de Minbej en août avec l'aide de frappes américaines.
Celles-ci ont pulvérisé une partie de l'hôtel de cinq étages, qui recevait des Syriens mais aussi des touristes étrangers avant que la guerre n'éclate en 2011.
Franchissant une porte noire en fer, Ahmad traverse un couloir avec de part et d'autre des cellules sombres. Il avance prudemment, comme s'il craignait qu'à tout moment un jihadiste surgisse de nul part et s'en prenne à lui de nouveau.
Sur l'un des murs, une inscription a été peinte en noir: "le soleil du califat s'est levé". "Nous en tout cas ici, on ne voyait pas le soleil", se rappelle Ahmad, avec amertume.
- 'Manger ou prier' -
Depuis 2014, Minbej, située dans la province septentrionale d'Alep, a été pour le groupe ultraradical une ville carrefour cruciale pour son ravitaillement à partir de la Turquie, jusqu'à ce qu'il en soit chassé.
Les jihadistes avaient transformé les sous-sols de l'ancien hôtel en salle de torture et lieu d’incarcération, avec dix geôles d'emprisonnement collectif et d'autres pour l'isolement.
Il y avait aussi des cellules de 80 cm de hauteur et 50 cm de largeur "où l'on nous gardait assis pendant des jours pour nous faire avouer", précise Ahmad.
Il raconte que les détenus avaient seulement quelques minutes par jour pendant lesquelles ils devaient choisir entre manger et prier. Ceux qui osaient avaler leur portion de nourriture au lieu de faire la prière du matin étaient battus.
Sur le sol poussiéreux, trainent encore des pièces de vêtements et des bouteilles en plastique. Des menottes sont toujours accrochées aux portes noires métalliques.
"Ils nous frappaient sur tout le corps et à la tête", se souvient Ahmad. "Il y avait la pratique du doulab (roue), lors de laquelle on était forcé de grimper à l’intérieur d'une roue pour ensuite être roué de coups".
Il s'estime néanmoins chanceux car il a entendu dire que des prisonniers "sont restés suspendus pendant plus de six mois et ne pouvaient plus du tout marcher en raison de la congestion sanguine".
D'autres aussi ont été exécutés, dit-il.
"Ils inventaient n'importe quelle accusation, puis décapitaient les gens", ajoute le jeune homme. "Comment osent-ils se faire appeler Etat islamique?".
Les nouvelles forces contrôlant la ville ont promis de transformer l'Hôtel Minbej en centre pour enfants.
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