Mise en scène par la réalisatrice Hélène Desplanques et Marie Liagre, "On n'est pas que des valises ou l'épopée des salariés de Samsonite", en tournée dans les Hauts-de-France, retrace le bras de fer engagé par ces ouvrières contre leur ex-employeurs depuis la fermeture de leur usine à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). La première a lieu vendredi à Avion, près de Lens.
Février 2007: cédée deux ans plus tôt par l'américain Samsonite à des repreneurs (Energy Plast) promettant d'y fabriquer des panneaux photovoltaïques dont personne ne verra jamais la couleur, l'usine fait faillite, laissant sur le carreau 205 salariés, majoritairement des femmes.
S'ensuit un long combat judiciaire, porté par l'avocat Fiodor Rilov --qu'on retrouvera auprès des "Conti" puis des Goodyear d'Amiens-Nord--, pour exiger de justes indemnisations et rétablir leur dignité. Les prud'hommes condamneront Samsonite à les indemniser, considérant que le bagagiste était resté leur employeur après la cession du site.
Mais Me Rilov poursuit la bataille en attaquant devant la justice américaine le fonds d'investissement Bain Capital, principal actionnaire du bagagiste à l'époque.
Malgré des manifestations très médiatisées à New York aux côtés d'ouvrières de l'usine Samsonite de Chicago, les Françaises y essuieront en 2012 un échec, la justice américaine estimant les faits prescrits. Une autre procédure est cependant en cours à Londres, siège européen de Bain Capital.
"On lâche rien, on va jusqu'au bout!", clament-elles d'ailleurs sur scène, poing levé et rage au ventre.
- Colère -
"Cette pièce narre une histoire de la mondialisation, mais ces filles, au lieu de se lamenter et rester passives, sont dans les actes: poursuivre le combat, jusqu'aux Etats-Unis et sans parler anglais, c'est fou!", s'exclame Hélène Desplanques.
L'auteure du documentaire "Liquidation Totale", dont s'inspire la pièce, suit leur parcours depuis plus de dix ans.
"Une lutte de dix ans, c'est aussi des drames. J'ai voulu raconter cette épopée avec des femmes joyeuses et non un spectacle qui fait déprimer, avec des rires et des pleurs. Je suis contente, car elles ont gardé leur naturel", raconte-t-elle.
Ce naturel transparaît dans le jeu des sept actrices, entourées d'une poignée de comédiens professionnels, et donne à la pièce tout son sens dramatique. La passion et la colère, réelles, animant ces ouvrières-comédiennes font aussi oublier leur maladresse passagère de débutants.
- 'Envie de se battre' -
"On a été traitées comme des malpropres. Et cette injustice, cette colère, on la transpose au théâtre", explique Brigitte Petit, 59 ans, qui incarne Micheline, figure de proue du mouvement de contestation, décédée en 2013 d'un cancer.
Aujourd'hui assistante familiale, elle découvre avec le théâtre un "autre monde, auquel on n'appartient pas": "au début, on ne pensait pas être capable de retenir un texte, parler devant le public. On n'est que des petits ouvriers..."
Elles doivent leur apprentissage à la metteuse en scène Marie Liagre: "le secret, c'est d'aller par étapes pour gagner leur confiance. Pour ça, il faut prendre le temps de les écouter", susurre-t-elle, avant de courir en coulisses donner ses dernières instructions.
La pièce, qui revendique son "ancrage local", tournera d'abord dans le bassin minier. Le 17 novembre, la troupe s'arrêtera à Hénin-Beaumont, siège de l'ex-usine et actuel fief du Front national. "Il ne faut pas boycotter. Au contraire, il faut aller encore plus dans ces villes pour ne pas laisser le terrain au FN", s'exclame Mme Desplanques. Son objectif: "que les spectateurs ressortent galvanisés, avec l'envie de se battre davantage."
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