Celle que l'on surnommait "Atomic Anne", présidente charismatique d'Areva de 2001 à 2011, est arrivée vers 09H30 au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, peu de temps après Sébastien de Montessus, ex-patron du département des mines, a constaté une journaliste de l'AFP.
"Cette confrontation devrait permettre aux magistrats de tenter d'y voir plus clair dans ce dossier extrêmement technique", a relevé une source proche de l'enquête.
Les investigations portent sur le rachat en 2007 d'Uramin, pour 1,8 milliard d'euros. Mais l'exploitation des gisements d'uranium de la société canadienne en Namibie, Afrique du Sud et Centrafrique s'est avérée beaucoup plus difficile que prévu et l'opération s'est transformée en gouffre financier.
Deux informations judiciaires sont ouvertes depuis 2014: l'une porte sur les conditions d'acquisition de l'entreprise canadienne, l'autre sur les provisions inscrites par Areva en 2010 et 2011 pour couvrir les pertes, les années précédentes étant couvertes par la prescription.
Dans le cadre de cette seconde enquête, Anne Lauvergeon a été mise en examen le 13 mai pour "présentation et publication de comptes inexacts" ainsi que "diffusion de fausses informations", et été placée sous le statut intermédiaire de témoin assisté pour "abus de pouvoir".
Les magistrats cherchent à savoir si elle a dissimulé la valeur réelle des mines rachetées à Uramin pour retarder au maximum l'inscription de provisions dans les comptes.
En 2014, la Cour des comptes avait évoqué "des faits de dissimulation (...) vraisemblables". Et plusieurs courriels internes, dont l'AFP a eu connaissance, montrent qu'Anne Lauvergeon a été alertée par la division des mines dès 2008 sur les difficultés d'exploitation des sites d'Afrique du Sud et de Namibie.
Ces messages évoquaient "des risques non prouvés à 100% et non étayés" d'autant que "l'exploration (de certaines mines, ndlr) était loin d'être terminée", a relevé le 13 mai Anne Lauvergeon devant les magistrats, selon une source proche du dossier. Ils n'étaient donc pas suffisants, selon elle, pour justifier de passer des dépréciations supplémentaires fin 2010.
Fin 2011, six mois après son départ, Areva avait fini par annoncer de lourdes pertes et une provision de 1,5 milliard d'euros sur la valeur d'Uramin.
Devant les juges, Anne Lauvergeon a rejeté une partie de l'échec de l'opération Uramin sur la division des mines.
- gisement rentable ? -
Pour preuve, le gisement Ryst Kuil en Afrique du Sud, vendu en 2013 à une autre entreprise minière, Peninsula, pour seulement 5 millions d'euros, pourrait devenir à terme très rentable, selon elle. Peninsula "a indiqué y avoir trouvé 25.000 tonnes d'uranium au minimum", a-t-elle souligné, estimant que le département des mines n'avait à l'époque pas bien mené son travail de prospection.
Entendu en juin, Sébastien de Montessus a rétorqué que deux tiers de l'exploration du site avaient été effectués fin 2009 et que "les résultats (étaient) très insuffisants (...) en terme de ressources".
Sur l'ensemble de la situation d'Uramin, "j'ai pris la peine d'aller voir cinq fois Mme Lauvergeon pour lui dire que je recommandais une dépréciation de 700 millions à 1,8 milliard d'euros", a-t-il insisté.
D'après l'ancien responsable, placé sous le statut de témoin assisté, Anne Lauvergeon "souhaitait une présentation des comptes qui soit la plus valorisante" possible pour obtenir, en juin 2011, un troisième mandat à la tête d'Areva, ce qui n'avait finalement pas été le cas.
Entre les pertes liées à Uramin, la catastrophe de Fukushima et les retards dans la construction d'un EPR en Finlande, le spécialiste du nucléaire est en pleine restructuration après cinq années consécutives de déficit.
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