Pourquoi ces "condamnations de Jésuites, alors que vous devriez tout simplement être choqués, tout simplement être en empathie, sinon avec" les cadres dirigeants violentés, "au moins envers les autres salariés agressés dont les conditions sociales sont très inférieures à celles dont vous bénéficiez?", s'est interrogé Me Baudouin de Moucheron, l'un des trois avocats d'Air France.
En ce deuxième jour d'audience, l'avocat s'adressait aux prévenus qui, la veille, avaient nié ou minimisé leur participation aux violences commises contre ces deux cadres et les vigiles tentant de les protéger.
Les faits s'étaient produits le 5 octobre 2015 en marge d'une manifestation au siège d'Air France à Roissy contre un projet de restructuration menaçant 2.900 emplois.
Miguel Fortéa, le secrétaire général de la CGT d'Air France était "très à l'aise pour dénoncer la fermeture de la grille d'accès au siège mais incapable d'affirmer clairement que les actes commis sont tout simplement inacceptables", a attaqué M. de Moucheron.
Le représentant CGT participait à la réunion du comité central d'entreprise quand une centaine de manifestants avaient envahi la salle où elle se tenait. Pris à partie, Xavier Broseta, DRH à l'époque, et Pierre Plissonnier, responsable de l'activité long-courrier, avaient dû fuir sous les huées, torse nu pour le premier, la chemise en lambeaux pour le second.
Ces images qualifiées d'"humiliantes" par la victime avaient été vues "1,4 milliard de fois" dans le monde entier et conforté la piètre réputation de la France en matière de dialogue social.
Mardi, Miguel Fortéa est revenu sur le "contexte social" de cette manifestation, "10.000 suppressions d'emplois depuis 2005" et une "direction qui ne cessait de nous dire qu'il fallait faire des efforts".
Il a justifié les débordements par la décision d'Air France de verrouiller le portail d'accès à son siège. Pressé de dire s'il condamnait les violences, il a botté en touche: "de quelles violences parle-t-on?"
- "pas l'once d'un début de critique" -
Dans sa plaidoirie, Baudouin de Moucheron s'est insurgé contre l'idée que "la violence physique peut trouver sa justification lorsqu'elle répond à une violence sociale ou à une situation de désespoir".
Elle lui paraît d'autant moins excusable qu'Air France "n'est pas ce monstre insensible, composé de dirigeants froids et cruels, indifférents à la vie de ces 50.000 salariés".
"Aucun licenciement pour motif économique malgré sept exercices déficitaires successifs: c'est ça, la violence sociale à Air France"? s'est-il interrogé.
Intervenant aussi pour Air France, Dominique Mondoloni a mis en avant "le préjudice d'image colossal" pour la compagnie. Un préjudice moral "qui n'est pas lié à la presse mais au comportement des prévenus", dont il a fustigé la "nonchalance" et "désinvolture" à l'audience. "Le mépris social, il est de leur côté", a-t-il asséné.
Me Frédérique Beaulieu, qui défend M. Broseta, s'est élevée contre la "fable selon laquelle Air France aurait tout manipulé", que les vidéos ne prouveraient rien, "bref, que tout ce qui lui serait arrivé serait finalement illusoire et de peu d'importance".
"J'aurais aimé l'once d'un début de critique de cette chasse à l'homme", en particulier de "cette "grande organisation syndicale" qu'est la CGT, a ajouté l'avocate.
Elle a appelé la cour à condamner Samir Ait Taleb, l'agresseur présumé de M. Broseta, estimant que, dans cette affaire, le doute instillé par la défense ne devait pas lui profiter.
Le réquisitoire est attendu en fin de matinée. Le jugement sera mis en délibéré.
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