"L'Inde, c'est une école de patience", résume le PDG du groupe aéronautique Dassault, Eric Trappier, qui a suivi la négociation de bout en bout depuis l'appel d'offres colossal lancé par l'Inde pour 126 appareils en 2007.
"Les Indiens sont franchement redoutables comme négociateurs", renchérit un diplomate français au fait de tous les dédales du dossier.
Fin 2014, les discussions patinent sur les garanties techniques réclamées par l'Inde pour les 118 appareils qui seront assemblés localement. "On a fini par dire: ça suffit", raconte une source gouvernementale française.
En avril 2015, l'espoir renaît quand l'Inde, pressée par les besoins criants de son armée de l'air, laisse entendre qu'elle est prête à acheter des Rafale "clé en mains" en France, plutôt que continuer à négocier en vain un contrat de 126 appareils.
Tout se joue lors d'une visite du Premier ministre indien Narendra Modi en France. Le 9 avril, la délégation indienne débarque à 23H00 à Paris et est aussitôt reçue à l'Elysée.
Les Indiens "nous parlent de 36 appareils et nous demandent de leur dire le lendemain comment on voit les choses", se souvient-on dans l'entourage du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian.
Toute la nuit, les conseillers du ministre et l'industriel planchent sur une offre. Le lendemain matin, le président François Hollande est briefé juste avant son entretien avec Narendra Modi.
Mais durant toute la discussion, ce dernier ne pipe mot du Rafale. Suit un déjeuner, en présence de plusieurs ministres, au cours duquel Jean-Yves Le Drian tente en vain de mettre le sujet sur la table. "Remets le couvert", lui souffle le président Hollande dans un petit mot écrit.
Le Premier ministre indien reste impassible jusqu'à bout. A la conférence de presse finale, il finit par lâcher, au grand soulagement de ses hôtes : "J'ai demandé (...) de nous fournir 36 Rafale, clé en mains", annonce-t-il.
- 'D'accord sauf sur ça, ça, ça...' -
La négociation reprend ensuite ses droits. Jean-Yves Le Drian se rend plusieurs fois en Inde - huit fois au total entre 2013 et 2016. Dans son entourage, les réunions de suivi hebdomadaires se succèdent.
A l'automne, "on estimait qu'on avait un accord", se souvient un diplomate français. Mais les Indiens continuent à soumettre des demandes, à la surprise générale.
Lorsque le président François Hollande arrive en visite d'Etat à New Delhi en janvier 2016, l'accord intergouvernemental (AIG) encadrant la transaction est déjà bien avancé.
Mais au moment de signer un document constatant que la négociation est "stabilisée", coup de théâtre, "ils nous disent +on est d'accord sauf sur ça, ça, ça...+", raconte-t-on dans l'entourage de Jean-Yves Le Drian.
"On a dit +non+ et écrit un texte en quinze minutes, que les deux ministres (de la Défense) ont signé, disant qu'il y avait (les bases) d'un AIG", ajoute-t-on de même source.
A partir de là ne reste plus qu'à arrêter le prix. "Début avril, Le Drian écrit à son homologue que le prix négocié est objectivement bon".
L'accord est dans sa dernière ligne droite, Mais les longues procédures contractuelles indiennes retardent encore l'heureuse issue jusqu'en septembre.
"Ils ont l'exigence normale d'un partenaire qui veut avoir la garantie de ses engagements. Il n'y a rien à leur reprocher (..) mais quand c'est terminé, on est content", a constaté, tout sourire, Jean-Yves Le Drian, l'encre tout juste sèche sur le contrat à New Delhi.
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